12.9.10

AVRIL 1927

1. Confirmation du mauvais temps. Nous faisons le Bridge à la maison, Auguste du Verne ne vient pas, il fait placer chez lui la télégraphie sans fil.

2. Camille de Vercy meurt âgé de quatre-vingt neuf ans. Ce vieux cousin avait épousé en premières noces sa cousine Marie de Vercy, pendant bien des années ils sont venus passer une partie de leurs vacances à Tâches, soit chez ma grand-mère, soit ensuite chez mes parents, étant peu fortunés on avait pitié d’eux. Ils laissent deux enfants, Adrien, Lieutenant-colonel d’artillerie en retraite, et Marguerite mariée à M. Cabonat, professeur à l’Université de Caen, ses idées trop avancées pour nous, ont fait que nous avons rompu toutes relations avec eux. Vercy avait un certain talent comme sculpteur, il a fait plusieurs bon bustes, et il est l’auteur du St François Xavier qui est dans l’église de St Parize le chatel. Sa seconde femme qui devait être sa cuisinière fait part de son décès.

3. Je descends chez Auguste du Verne qui est en lune de miel avec la TSF mise depuis deux jours dans son salon et qu’il fait marcher jour et nuit. J’entends un sermon du père Lhaude, que je suis bien mieux que celui du père Sanson, on fait œuvre, prie, assis dans un bon fauteuil, c’est trop commode et je suppose peu méritoire. Marie-Antoinette retour de Paris où elle est allée pour assister à la grande réunion de la Ligue Patriotique des Françaises, ce qui lui a permis de voir et de causer avec beaucoup de monde, en est revenue atterrée par tout ce qu’elle a entendu dire de sottises à propos de l’Action Française ; cette question s’envenime tous les jours et les bons chrétiens ont bien peur qu’elle ne finisse par provoquer un schisme.














Auguste du Verne




Goûter-Bridge chez Madame de Bourcier, femme fort aimable et nouvelle venue à Nevers, elle est veuve depuis longtemps et a un fils unique de vingt deux ans employé à la banque de France, ce qui a motivé leur installation dans notre ville. Trois tables de Bridge, une de Banco et profusion de gâteaux.

6. Pluie. M.M. Chevrotin et Constant me conduisent à Tâches dans une superbe conduite intérieure Hotkchiss, nous y retrouvons M. Crotat et ensemble nous allons chasser un lapin au taillis d’Orgeat, car j’ai obtenu une prolongation jusqu’au quinze avril pour détruire les bêtes nuisibles, ceci à la demande de Couturier, qui en a profité pour tuer hier un sanglier lancé dans la Ravie. (trois lapins).
J’ai oublié de noter qu’hier avec Marie-Antoinette, nous sommes passés prendre Raoul d’Anchald pour aller à Châteauneuf Val de Bargis à l’enterrement d’Abel Metairie mort à Fonfaye à quatre vingt neuf ans. Il y avait beaucoup de monde et sur sa tombe, M. Flandrin a prononcé un fort beau discours. Ce veuf a planté là un jalon qui le conduira à prétendre à la main de mademoiselle Metairie qui ne s’est pas mariée parce que, dit-on, son frère ne voulait pas lui donner de dot. Son frère Charles est aussi un parti vacant.

7. Marcelle va seule à son patronage de Moiry et revient par Tâches et Saint-Parize. Auguste du Verne réunit la M.M. pour le Bridge et comme il perd cinq parties de suite, jure ses grands Dieux qu’il ne touchera plus jamais une carte, serment d’ivrogne.

9. Pluie. Foire de Nevers, beaucoup d’animaux, transactions lentes, j’achète à Champeroux un âne de huit ans, couronné pour mille huit cent francs, c’est beaucoup trop cher, mais des maquignons en ayant offert mille sept cent devant moi, j’ai dû forcer la dose. Bridge chez Madame de Mollins. A déjeuner, nous avions eu Roger de Soultrait et Fafa.

11. Les Guillaume du Verne dînent avec nous, pour se rendre ensuite au Clos Saint Joseph, où l’on doit répéter la revue. A cinq heures j’entends une belle conférence faite par José Germain sur le redressement Français, c’est Mercier, le grand entrepreneur, qui a inventé ce nouveau groupement qui a de fort bonnes intentions pour combattre le communisme, mais comme à beaucoup d’autres, il lui manque la chose essentielle, l’idée de Dieu et de la religion. Malgré cela, j’ai donné mon adhésion.

12. Les d’Anglejan mangent avec nous à déjeuner un cuissot de sanglier tué à Tâches la semaine dernière, il était aussi tendre que succulent.
A deux heures, nous avons la visite de Gaby venu à Nevers avec son notaire. Il me provoque au Piquet, je lui gagne mille cinq cent points en moins de temps qu’il ne m’en faut pour l’écrire ; ce garçon est incorrigible quant au carton.
La jeune Jacqueline d’Assigny a été mise au monde il y a quatre jours, boulevard Victor Hugo.

13. M.M. Constant me conduisent à Tâches où nous tuons un dernier lapin. (trois au tableau)

14. Jeudi Saint, il fait un temps superbe pour la promenade aux reposoirs, mais il y a beaucoup de monde dehors. J’écris à André pour lui demander des nouvelles de sa fille Yvonne, on craint un phlegmon du côté des reins.

15. Vendredi Saint. Pluie. A midi trente, nous allons, Marcelle et moi, chercher Cécile et Yvonne qui viennent passer avec nous les vacances de Pâques. Demain, après l’arrivée de mon petit-fils, nous serons tous réunis à ma grande joie. Dans des papiers qui me sont envoyés de l’étude Gallicher, où ils devaient être depuis longtemps en souffrance, je vois que notre maison de la Place Ducale a été achetée en 1891 par le grand-père de ma femme et que cette même maison avait été vendue en 1814 par M. Moret - Nion, mari de Melle Sallonier de Nion de qui devait venir cette propriété. Philippe a bien essayé il ya une trentaine d’années de faire revivre ce nom, mais la chose n’a pas pris, contrairement à ce qui arrive habituellement. C’est peut-être heureux, car des revers de fortune l’ont forcé à vendre terre et château de Nion.

15. Pâques. Bien que le prédicateur du carême ait été bien médiocre, dans la personne d’un jeune dominicain, il y a beaucoup d’hommes à la messe de communion. A déjeuner, Félix nous aide à manger un excellent pâté, recette de Tâches, du respectable poids de neuf livres. Que pourrait-il coûter chez le marchand de comestibles ? Promenade à Marzy en auto.

16. Glace. Avec mes petits enfants, nous allons nous promener jusqu’à Vauzelles, ou je constate que la ville grandit chaque jour. Les arbres sont couverts de fleurs qui n’ont pas été atteintes par la gelée de la nuit.

17. Les vieux Clayeux amenés par Antoine et les Gaby de Villaine déjeunent avec nous, leur venue est motivée par la curiosité de voir jouer au clos Saint Joseph une revue, que sur la demande de Marie-Thérèse Pinet des Ecots, Augustin a composé au profit des écoles libres. Elle est intitulée, le Fisc de la Lune et se passe dans un château situé au bord de la Loire. Le premier rôle est tenu, et fort bien ma foi, par Suzanne du Verne devenue Colombine, c’est son beau-frère Guillemin d’Echon qui fait Pierrot avec une rare perfection. Le colonel d’Assigny, avec une parfaite diction a bien le type du vieux veneur, et sur l’air des honneurs, il chante un petit couplet de sa composition sur les mérites de l’auteur. François de Lestrange nous débite une conférence, composée tout exprès pour lui, avec un véritable talent, déguisé en vieux savant, il est méconnaissable. Melle Comte en soubrette, et sur l’air des cloches de Corn----- dit bien le couplet sur la pile d’assiettes qu’elle a laissé tomber. Bonne note pour Mme Subert dans la parodie de la commode de Victorine. L’amiral suisse Mougerot et sa commère Madame Ponceau sont désopilants. Melle Lemoine incarne un excellent Fortunio, son costume est très seyant. Toutes les scènes sont bissées et rebissées, et jeux de mots se disputent avec les calembours les nombreux applaudissements. Que je n’oublie pas mon vieil ami Raoul d’Anchald qui très complaisamment est venu sonner dans les coulisses plusieurs fanfares pendant la chasse au sanglier. L’auteur appelé sur la scène a chanté un couplet pour remercier les acteurs qui vraiment méritaient des éloges. Somme toute, cette revue a été un véritables succès. Elle avait été précédée par un lever de rideau l’été de la Saint Martin admirablement interprété par Madame Houdaille, ma fille Edith et M.M. de Bourcier et Canet. Tous les quatre ont été à la hauteur de leur tâche. Très naturelle la belle Solange qui n’avait rien de la nourrice, qu’elle est pour l’instant, Edith a eu des jeux de physionomie qui ont été très remarqué, Bourcier malgré ses vingt deux printemps, ressemblait bien à un vieux Monsieur et Canet à un jeune. Assistance aussi nombreuse que choisie, Mis et Mise de ( ?) Veyry, Ctesse de Ganay, Ctesse de Marcy, et de Villaines, Col et Marie Tiersonnier, Vte de Dreuzy, de la Boutesse, Bne le Pelletier, les Montrichard et leur fils qui après la représentation nous ont ramené à la maison, pour s’y rafraîchir car grâce à Dieu il faisait beau et chaud.
Hubert d’Assigny a eu beaucoup de peine à dire un prologue de quinze vers qu’Augustin avait composé pour lui. Décidément, il se fait un peu vieux pour le théâtre.
Marguerite Pinet de Maupas, comtesse de Monterno est morte le 17 dans son château du Bort.
Victor Robert St Cyr, docteur en médecine, pendant longtemps maire de Léré, Cher, meurt à soixante seize ans à la suite d’une longue et cruelle maladie, supportée très chrétiennement.

18. Déjeuner de 14 personnes chez ma sœur avec les Pardieu, les Delecluze, les Villeneuve et nous. A deux heures, Constant me mène à Tâches par un temps splendide, la campagne est jolie et les fruitiers couverts de fleurs.

19. Magnifique goûter offert par Félix aux Pardieu, Mollins, Toytot, Pinets des Ecots, etc. Distribution de fleurs aux dames, deux tables de Bridge…

23. Marcelle me conduit à Tâches avec les enfants qui déjeunent sur l’herbe. De retour à quatre heures, nous goutons chez Madame Bouquillart qui a réuni toute la haute. La table croule sous une montagne de gâteaux.
Quatre tables de Bridge et une de Banco.

24. Froid de Canard. Edith conduit ses filles à un goûter chez les de Thé. Vingt cinq enfants, accessoires de cotillon. Augustin, Cécile et Marcelle vont faire un bridge à la Baratte, pendant que j’en fais un chez Zizi. Après dîner autre bridge chez Madame de Pardieu. Je lui montre le contrat de mariage de Charles Robert avec Emilie Desnoyers, auquel plusieurs Saulieu ont signé, en juin 1814. J’y vois que la jeune mariée a reçu mille cinq cent francs de dot et son époux mille francs. Ces deux mille cinq cent francs de rentes ajoutées à ce que pouvait toucher de traitement à cette époque le substitut du procureur du roi qu’était notre grand-père, devaient ressembler à de l’opulence.

25. Pour moi qui réclame souvent la pluie, je lis dans une lettre adressée à mon beau-père, par la Comtesse de Choiseul, à laquelle il servait une rente comme veuve en premières noces de son oncle Des Noyers, qu’à Amiens le 18 juin 1854, on demande de l’eau car depuis 14 mois, il n’est tombé que de rares averses.

26. Goûter d’enfants à la maison, où l’on en réunit une vingtaine. Pendant ce temps nous faisons un Bridge chez ma sœur avec Augustin et Marguerite Pinet des Ecots, qui perd royalement, comme toutes les fois qu’elle touche une carte. Contrairement à beaucoup de joueurs, elle ne se plaint jamais. Après dîner avec mes enfants et petits enfants, nous allons au Ciné Parc entendre une conférence intéressante avec projections sur l’Indochine, le Tonkin, l’Annam et le Laos.

27. Enfants et petits enfants font une visite à Luanges et goûtent au Banlay.

28. Mon petit Vé rentre à son collège le cœur pas trop gros. Augustin et moi avons eu le cœur dur en lui supprimant le chocolat au petit-déjeuner, c’est une dépense de 120 francs par trimestre, et vraiment par le temps qui court on peut faire cette économie. On sera bien forcé d’en faire d’autres.
Grandissime goûter chez les la Motte à Vernuche le haut. Tout le pays est là. La maîtresse de maison est tout de rouge habillée, y compris ses bas. Il fait un temps splendide et du haut de la terrasse la vue est magnifique.

29. Cécile nous quitte pour aller passer cinq jours à Paris chez cette excellente Madame de Lépinière dans son hôtel de la rue Saint Florentin. Elle lui apprendra que sa fille Guillemain s’est fait couper les cheveux un peu tardivement.
Nous goûtons à la Grace avec les Chavanne et nous bridgeons après dîner chez les Toytot. Quatre tables.

30. Orage et pluie. Je fais repeindre les fenêtres et contre-vents de la maison, ce n’est pas sans besoin ; on repousse toujours l’heure des réparations, tout étant si cher, c’est un tort, car rien ne baisse, tout au contraire. Bridge à la maison, trois Dames, cinq Messieurs.

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