28.2.10

A V R I L 1941

1ER Je vais à l’enterrement de Madame Danneron, l’église est pleine. Je vends deux vaches à Gueugnon. Dans sa grande sagesse, l’illustre Maréchal Pétain fait entrer une dame ou deux dans les conseils municipaux dont il choisit les membres, à Decize, c’est la Comtesse Junilhat qui est élue. Qu’aurait dit son père, le comte de Brezé si, il y a 4o ans, on lui avait annoncé une telle nouvelle, sûrement que le Roi était monté sur le trône.

2 . À 9h, je vais chercher Cécile à Mars, retour de son voyage aux Gouttes qui s’est accompli dans de parfaites conditions, hier elle a pu aller à Vichy avec les Edmond et Geneviève et y rencontrer Édith, Augustin, Miette et le jeune Sansal, ils ont déjeuné ensemble et se sont quittés à 5h du soir. Cécile a trouvé sa sœur en bon état. Ce matin, obligée de partir de bonne heure, elle a passé sa journée à Moulins, déjeuné chez les André et fait des courses en ville ; elle me rapporte des soies qui me permettent de finir mon ornement. N’étant pas prévenue, sa marraine a été bien surprise de la voir descendre de la bicyclette sur laquelle elle était montée à Dompierre, la pauvre vieille est bien courageuse et la visite de sa filleule lui a fait grand plaisir. Retour de la gare, j’ai trouvé à la maison les petites sœurs des pauvres venues pour nous demander à dîner et à coucher avec leur cocher et leur cheval.

3 . Mon rosaire.

4 . Cécile nous quitte, elle partage avec les Rouville le gazogène de Philippe pour aller prendre le train à Nevers, direction Tours où elle s’arrêtera 24 h chez les Villeneuve. Elle m’a fait bien grand plaisir en abandonnant sa chère ville de Rennes pendant qq jours à notre profit. Premier Vendredi du mois, je m’approche de la Sainte Table. À 11 h du soir, des troupes Allemandes, musique en tête, passent devant le Pied Prot, direction Moiry.

5 . Je vais à Nevers et je prends dans le car, la dernière place assise. Je monte place Ducale et je sonne chez moi où je trouve Madame Gonin avec son petit garçon de 4 ans. Elle a fait son salon dans la salle à manger, et dans le salon, son mari a installé tous ses instruments et il donne ses consultations. La maison est propre. Ma visite avait pour but de voir la mitre qui est sur la cheminée du petit salon qui menace de tomber. Je charge la maison Cassart de faire le nécessaire. Dans la rue, je rencontre l’aîné des Thoury qui me dit que la maison de son frère à Achun a été pillée. Je commande du vin à Aïn Kala. Je descends rue Claude Tellier pour payer les allocations de mon jardinier et j’ai la chance de trouver Montrichard qui me propose de me ramener ; j’accepte avec joie, cela me donne une heure de plus, et je suis sûr d’être assis. Je passe à la Sté Gale et au Crédit Agricole pour faire renouveler des bons échus. Au Crédit Lyonnais, je finis par éclairer ce qui s’est passé entre Augustin à propos de virements de fonds qui sont très difficiles entre les deux zones. Je rencontre Jacquemart, c’est une joie. Je veux l’emmener dîner et coucher, l’impossibilité de le faire reconduire le lendemain à Nevers l’empêche d’accepter. Devant le Crédit Lyonnais, 14 voitures sont arrêtées, il y a donc de l’essence pour certains ; trouvé Mr Rémi du Part, je finis ma tournée par une visite à Madame de Sansal qui est chez les Nadaillac avec leurs filles.

6 .pluie À la procession, il y a une centaine d’hommes, c’est bien beau, mais si le proverbe est vrai, nous aurons une année humide, car le vent souffle du coté de la pluie. Condoléances de Grincour.

7 . Marie Berthelot, ma cuisinière a beaucoup de qualités, elle est propre et active, je lui connais cependant un défaut, c’est de trop aimer la bouteille, je lui en sors 4 chaque Dimanche, or Lundi matin, je me suis aperçu qu’elle en avait bu deux la veille, aussi nous avions remarqué Marcelle et moi qu’elle trébuchait en apportant le plat sur la table. Je suis ennuyé de cette remarque. J’ai trouvé des morilles à cinquante pas du bout de l’avenue, coté de Moiry. Pendant que j’écris, Barillet vient m’annoncer qu’un cochon qu’on engraissait au domaine pour le manger est crevé subitement. 16oo frs de fichu.

8 . Marcelle prépare le reposoir de la fête du Jeudi saint dans la chapelle du Sacré cœur avec Buffet le jardinier de la Chasseigne et manque la visite de Jacques de La Brosse

9 .-2° Marcelle va à Nevers à bicyclette, pendant qu’Antoine de Sansal vient ici chercher des provisions, il rapporte 2 fromages,1 litre de lait, 24 œufs.

Jeudi saint Forte gelée blanche, bien fraîche. Beaucoup de communion de femmes et de moi-même. Les Boches triomphent en Yougoslavie et en Grèce, et prennent toute l’avoine qui reste sur nos greniers. Un vent glacial souffle du Nord-Est, l’herbe rentre en terre.

Vendredi saint, glace. Chemin de croix à 3h à Moiry et à 9 h du soir à St Parize. Visite de Jacques de La Brosse. Je coupe des Nielles dans l’avoine d’hiver des Fraillons.
Samedi saint, glace Temps déplorable, de la glace, à 9h les prés sont encore tout blancs. Jeanne de Mollins venue par le car déjeune avec nous, on a toujours grand plaisir à recevoir cette aimable femme très sympathique à tout le monde, elle nous apporte des bonbons et du thé. Il y 5 Maçons aux Petites Granges, mais peu de sable et de chaux.

13 . Pâques Je constate avec plaisir qu’il y a beaucoup de jeunes gens de 14 à 17 ans à la messe, de communions des hommes, parmi eux, mes métayers et moi-même. Temps magnifique.

14 . Marcelle va faire une visite à Madame Barrier qui est souffrante, les du Part arrivant, je lui téléphone de revenir, la grippe a fait maigrir et vieillir Antoine qui ne voit pas l’avenir en rose. Il m’apprend que les héritiers de Jules de Lavesvre ont vendu Clamon 2 millions, château et deux domaines . La Seigneurie vaut un million de plus.

15 . Les Nadaillac nous amènent Roger de La Brosse pour déjeuner, j’ai été bien aise de voir mon cousin germain, le but de cette visite était de voir le garde Jeanty et de le faire venir à Chitry. Après déjeuner, à défaut de café, j’offre à Roger un verre d’eau de vie de prune. Qu’est-ce que tu me donnes, c’est l’eau de ton puits ? je goûte le liquide et je m’aperçois qu’en effet, l’alcool a disparu et qu’il a été remplacé par de l’eau claire. Heureusement que pour Nadaillac, j’avais rempli un petit verre d’Armagnac qui n’avait pas été baptisé, au moins je l’espère.

16 . Vérification faite, nous nous sommes aperçus que notre cuisinière qui sait bien lever le coude, était la coupable, et que dans mes trois bouteilles de marc, elle avait remplacé l’alcool par de l’eau. Marcelle l’a fortement grondé, et si nous ne la mettons pas à la porte, c’est qu’à cause de ce grave défaut, elle a de grandes qualités. Marcelle va faire une visite à Planchevienne.
Chassagnon, qui ne s’entend pas avec Magdinier pour l’exploitation du bois vient me parler, je tâcherai de les mettre d’accord.

17 . Marcelle déjeune à Buy avec Marie Theron qui y est seule, elle déblatère tout le temps, prétend du Part, contre Georges et sa femme. La situation est très tendue entre eux, elle a remis leurs dissidents entre les mains de la justice, les Antoine ne quittent pas le Plaix. Marcelle passe au Lieu Maslin où tout va bien, il n’en est pas de même au Lieu Normand où la déveine s’acharne sur les Bringault, ils ont perdu en un an leurs trois juments, 4 vaches à la suite de la cocote, et dernièrement plusieurs veaux de la septicémie à leur naissance. J’avais très peur qu’étant à bout de bail au 11 Novembre prochain, ils ne demandent à s’en aller, heureusement ils veulent rester, mais à l’année seulement, aux mêmes conditions, le bail continuant par tacite reconduction. J’ai la visite de Renaud, mon architecte, je lui exprime tout mon mécontentement sur la lenteur des travaux. Ce qui ne m’empêche pas de verser un acompte de dix mille francs à Pierre Lavergne pour qu’il puisse payer ses fournitures qui arrivent bien tardivement.

18 . pluie Avec Marcelle, je vais voir dans le bois de Madame Guillera qui me touche comment se fait la carbonisation avec les fours métalliques ou les anciens fourneaux couverts de terre. Les premiers sont moins astreignants. J’en reviens éreinté. Madignier vend le stère de moule 7o Frs pris au bois et 9o sur la chaussée de Tâches où Richard l’amène pour 2o frs. Pour en conduire 4 stères à Nevers, il prend 3oo frs.

19 . Madame de Sansal et Antoine déjeunent avec nous. Ils espéraient remporter beaucoup d’œufs, mais mes métayères les gardent pour leurs clients habituels à qui elles les vendent le prix fort, qu’elles ne veulent pas que je connaisse. Dans l’après-midi, 1o jeunes filles de Nevers, sous la conduite de Madame Bounet, nous arrivent 3 par 3 pour passer la soirée et coucher, nous leur offrons le bureau avec un bon lit de paille peu confortable.

2o . Elles assistent à la première messe, déjeunent avec une gibelote de lapins et partent à 9 h pour visiter les ruines de Rosemont e rentrer à Nevers. Lettre de Gazoutte de Villaines qui nous dit qu’Odet est au lit pour un mois à la suite d’une opération d’un ongle incarné, et que Massias se meurt de la poitrine. Il est installé à Lyon avec sa famille. À peu près personne à la grand’ messe, il y avait trop de monde pour Pâques.

21 . Tollet fait réparer la maison qu’il a acheté aux Galopier, un plâtrier d’Imphy lui prend 35 frs par mètre carré pour les plafonds, et 6 frs pour badigeonner la cuisine de Mr. Marcelle emmène Anne de Rouville déjeuner à Chevenon où le jardinier nouvellement arrivé a fort à faire. Antoine se désintéresse de l’extérieur.

22 . Marcelle assiste au mariage de la plus jeune des Fleury. Selon son habitude, Montrichard arrive en retard à la Mairie. Comme je revenais des Petites Granges, un camionneur descend de sa voiture et me demande « êtes-vous Mr Clayeux » Ayant été chauffeur chez Madame Lazzot, il était allé plusieurs fois aux Gouttes. Visite d’Alain de Rouville.

23 . Marcelle va au Veurdre d’où elle peut téléphoner aux Gouttes, où il n’y a rien de neuf et mettre une lettre à la poste pour Augustin où je lui explique ce qui se passe pour ses comptes en dépôt au Crédit Lyonnais.

24 . Moreau me mène à la foire de St Pierre où il y a moins de dix bêtes à cornes. Grosse baisse sur les petits cochons. J’achète du pain de mie et des sardines, car le ravitaillement joue un grand rôle, ces deux derniers jours, nous faisons maigres.

25 .St Marc Si le proverbe qui dit : de St Marc, la belle journée promet une belle année, se réalise, il n’en sera rien, car toute la journée, il fait un froid glacial, avec accompagnement de neige. Marcelle assiste à la messe et à la procession. Je vais à pied à la Mairie déposer les pièces nécessaires pour obtenir la retraite ouvrière pour le ménage Chirat.

26 .pluie glaciale Michel et Richard sont allés hier et retournent aujourd’hui chercher du sable à la rivière pour la construction de ma grange, mon métayer aime mieux être payé 5o frs par tombereau que de travailler pour le domaine. J’écris aux Riberolles par une occasion. À 9 h, G. de Rouville téléphone à Marcelle que Marguerite de Pazzis arrive et qu’il faut qu’elle vienne déjeuner avec elle. Partie à 6 h de la Charnaye à bicyclette, elle prend le train à la Charité qui la dépose à Nevers où elle remonte sur sa bécane pour venir à Planchevienne, où Marcelle est bien contente de retrouver cette bonne amie qui retourne chez elle par le même moyen et sous une pluie battante.

27 . Dimanche,pluie Temps horrible, glacial. Personne à la messe Je fais un tour dans les craies avec mon parapluie. Le blé du champ de la † est beau.

28 . Marcelle va à Nevers en bécane. Elle passe chez Givoteau, son oculiste, qui la rassure sur sa vue. Elle mange ses deux œufs chez Madame de Sansal, qui avait une carte d’Édith qui elle-même en avait une d’Hervé qui avait pu aller voir les Valence. Elle croise Jacques de La Brosse qui lui annonce qu’il est fiancé avec Beloute Talabot. Loiseau m’envoie 1oo kg de pommes de terre de semence, Ronde jaune, provenance Finistère. Je les planterai dans la Varenne Callot. Les habitants de Nevers meurent de faim, ceux qui peuvent trouver du lait même écrémé sont rares.

29 . Le garde Jeanty m’apporte différentes affaires laissées par son maître Mr. Godenal. La liste est écrite dans le tiroir supérieur à gauche de mon bureau. Guillaume du Verne à la recherche de chevaux, nous dit un petit bonjour en passant, il est accompagné de sa nièce Monique qui n’a pas pu ou voulu rester au couvent où elle faisait ses études à Moulins. Il paraît que sa mère va un peu mieux, elle engraisse. Le prix des chevaux augmente tous les jours, variant de 25ooo à 4oooo frs. À Callot, Charlotte a mis au monde la nuit dernière un mâle et le soir même, le poulain était crevé. La veine pour les chevaux continue. Il y avait au Marais vente aux enchères du matériel, tout s’est vendu plus cher qu’au marché. Ainsi, un rouleau a été adjugé pour 5ooo frs, il vaudrait un peu moins à la fabrique. Un saloir vendu 4oo, il en vaut 15o chez le quincailler. Un des principaux acheteurs est Mr. Piaton, de St Parize, le nouveau propriétaire de Beaudreuil, venant des Brezé. Il veut faire valoir ce domaine en l’exploitant lui-même, son père boulanger dans notre commune avait des idées très avancées, son fils en a de plus raisonnables, et n’est pas du tout partageux comme Papa. Magdinier vient me parler de son différent avec Chassagnon, qui m’ennuie bien.

3o. pluie Moreau vient lui aussi me voir pour que je lui donne des renseignement sur le métayage, car il vient de prendre une famille du Nord pour cultiver son domaine (7 enfants). Il tonne.

27.2.10

Avril 1945

1 Pâques. Messe de communion des hommes. 81 scouts remplissent le chœur et répondent aux prières. Les pauvres enfants doivent geler car ils sont nus bras, nues jambes et en chemise, mais le moral a l’air parfait. Kiki s’approche comme moi de la Sainte Table, de même que Jeannot le fils de mon jardinier qui a 9 ans et qui n’a pas l’air de savoir ce qu’il fait. Guite Le Sueur invitée par Dédette, vient goûter et visiter le camp scout avec mes filles. Comédie à la mairie jouée par des jeunes gens de la commune. A 9 h bal chez Chapon. Tirage d’une loterie au profit des prisonniers. Vente aux enchères. Mon métayer Michel pousse un paquet de cigarettes jusqu’à 140 F.

2 + 14 °. Avance de l’heure. L’abbé des scouts arrivé cette nuit de Paris à Saincaize vient à pied. Il nous fait une visite. Nous lui offrons une chambre pour coucher, il accepte. Nous avons la visite des Maurice Robert et de leurs filles. Maurice me raconte quelle a été sa vie pendant ses trois mois de prison. On nous amène un scout malade. Marcelle le fait coucher dans la chambre au dessus de la sienne. Tout mon monde va après dîner voir le feu de camp des scouts sur le champ de foire et n’en revient qu’à 11 h ½ . Nombreuse assistance, feu d’artifice très applaudi.

3 Simone et Hubert viennent nous voir par le train. Il paraît que la succession de Mme Vuillemin, coutera six millions à ses deux enfants. Figaro m’apprend la mort de ma cousine Edmond Fouret, 58 avenue du bois de Boulogne. Les scouts vont et viennent par toute la maison. L’aumônier goûte avec mes filles et mon âne est mis à contribution. Gonin me rentre le bois du dépotoir. Jacques m’écrit que Bernard et lui ont vendu à leur oncle Louis leur part du domaine du Port des Bois, sur le pied de 20 000 F l’hectare.

4 Marcelle assiste à la messe dite en plein air dans le pré de la sablière et elle déjeune avec les scouts, menu délicieux. On nous amène un autre scout malade. Ma fille lui bassine un lit dans l’ancienne lingerie. A 4 h avec mon âne je vais visiter le camp. Je vois des tentes dans les Champs Blonds., dans le Champ de la Vache et dans le Champ procureur. La table du banquet est dans la forêt. Un troisième louveteau est malade. Je le ramène dans ma voiture et on l’installe dans la grande chambre.

5 Marcelle invite tous les scouts à goûter, ils arrivent à 4 heures, jouent et chantent devant le perron et font ensuite honneur aux gâteaux dont une partie a été envoyée par Mesdames Le Sueur et Barrière. M. le curé honore cette fête de sa présence ainsi que Madame Boursin et Melle Bure. Il paraît que Pierre Pellorce est encore de ce monde, il va donc hériter du Bassain. Nous avons à dîner l’aumônier et le président des groupes. M. Genthial, 23 ans, ingénieur électricien, d’une grande distinction et fort aimable.

6 1er vendredi. C’est sous le coup d’une délicieuse impression que j’écris ces lignes, après avoir entendu une messe en plein air, dite par l’aumônier des scouts devant la glace sans tain. Ceux-ci au nombre de 80 formaient le carré et chantaient d’une façon remarquable. Je ne m’attendais pas à recevoir un jour la Sainte Communion devant ma maison. Je rends grâce à Dieu d’avoir daigné nous honorer de sa visite. Après la messe un des chefs nous a fait les adieux de la meute dans des termes beaucoup trop flatteurs pour nous. La présence d’un soleil radieux, a bien contribué au succès de cette fête religieuse. L’aumônier et un scout dînent avec nous. A 9 h du soir, Gérard de Vassal de passage dans notre cuisine, mange ce qui restait de notre soupe.

7 C’est la larme à l’œil que Marcelle voit le camp se vider, car je crois que la présence des scouts a été pour elle, une agréable distraction et de son mieux elle s’est employée pour mettre du beurre sur leurs tartines et leur faire manger des fromages à la crème. Mme de Sansal, Simone et Edith qui est superbe passent la journée avec nous.

8 Gelée blanche. Dimanche. Je me sens tout patraque. Je lis ma messe au coin du feu. Gérard vient régler avec Marcelle les dépenses faites chez nous. Curriculum vitae d’Yvonne pendant la guerre. Octobre 39 à Bulhon, elle met Monique au monde à Clermont. Départ en avril 40 à Rennes jusqu’en juin. Bulhon jusqu’en janvier 41, Oudjda jusqu’en janvier 1942, Bulhon juillet 1942. En avril, Aliette naît à Clermont. Boutavent jusqu’à mars 1943, Tâches juin et juillet à Bulhon, Aout à Boutavent, septembre 43 à Tâches jusqu’en avril 45 sauf janvier et février à Boutavent ;

9 Charles Métairie meurt au château de Fonfaye. Marcelle et Yvonne vont au Lieu Normand voir Bringant qui a un ulcère à l’estomac. Son fils aîné qui a 24 ans est fiancé à une Michot qui a le même âge.

10 + 18° à 16 h. Le Dr. Piel qui est au même hôpital que Miette à Dijon, l’amène en auto à Nevers. Elle en profite pour venir passer 4 jours avec nous. Elle parle avec volubilité de ce qui se passe dans son hôpital où il y a 50 docteurs, 1200 malades 40 infirmières dont Madette de Féligonde qui est son agréable camarade de chambre. Le gestionnaire est mauvais, la nourriture aussi.

11 Montrichard déjeune avec nous pendant que sa femme est en Bretagne. La grippe court partout. Mon jardinier est au lit. Je scie le bois pour la cuisine. Le vétérinaire vient voir ma Normande qui a de la mammite. Miette a mal à la gorge. Pagueux a la fièvre.

12 Pluie chaude qui fait un bien énorme. Miette garde le lit avec mal à la gorge, ma jardinière en fait autant. Lettre de Louis de la Brosse, qui me charge de louer la chasse de 72 hectares de son domaine du Port des Bois en même temps que celle de mes filles. J’écris à Jeanne de Soultrait qui a des bois qui nous touchent pour savoir si elle se joindrait bien à nous pour les louer.

13 Vendredi. Le taxi de Magny vient à 4 h du matin prendre les Valence pour les conduire à Nevers prendre le train pour Paris où elles arriveront à 11 heures. Elles doivent déjeuner chez les Rouville, coucher chez les Monnier et prendre demain à 9 heures le train pour Rennes. Dédette nous arrive à 7 heures pour trouver Miette encore au lit avec violent mal de tête et 38° de fièvre.

14 Ce matin elle a 39 et Bonnichon surchargé de besogne ne vient pas la voir. Notre bonne part en congé, c’est bien commode. Heureusement Dédette est là pour nous aider, car nos jardiniers eux aussi sont malades et l’entretien du fourneau de la cuisine est une obsession. Il brûle une grande brouette de bois chaque jour et il faut que d’avance, il soit scié à 22 centimètres de long. Roosevelt est mort. Cela fait du bruit dans le monde entier. Antoine Clayeux fait tuer son 65 ème sanglier comme louvetier et le donne à la Kermesse Bal organisée à Thionne en faveur des prisonniers. Il est vendu aux enchères américaines et adjugé à 40 000 F. Bonnichon vient voir Miette qui a une angine rouge sans gravité. Mère Pierdet nous donne 4 heures.

15 Dimanche. Bien peu de monde à la messe, malgré le beau temps (+20 °). Miette descend un peu au soleil, mais sa mine n’est pas brillante.

16 Elle reprend une température normale et déjeune avec nous. Guite Jourdier met au monde une fille et Simone a la roséole. Dépèche de Cécile – filles bien arrivées à Rennes- Je m’en réjouis car ce voyage me troublait. Mon rosaire que j’oublie.

17 Miette qui n’a pas une mine encore bien brillante prend le car pour Nevers, d’où elle doit aller dîner et coucher à la Belouze. Demain, madame Boisson de Prémery ira l’y chercher pour la conduire à Dijon dans son auto. J’écris à Cécile.

18 Miette téléphone de chez madame Boisson chez qui elle déjeune qu’elle ne va pas trop mal. Les Tourraud Faulqier nous font part du mariage de leur fille Claude avec Olivier Aymé. Marcelle et Dédette goûtent au manoir. Renaud emmène le veau de la Normande, 6 semaines, 118 kilos à 25 F = 2950. Vent trop chaud et déssechant. M. Brocq, entrepreneur rue Louis Vicat à Nevers me demande à prendre du moellon dans ma carrière. J’y consens au prix de 20 f le m3 une fois extrait par lui.

19 Dédette nous quitte. Je la conduis au train de 7 heures du soir à Mars. Je vois l’aîné des Fleury retour de captivité. Il n’a pas trop souffert étant dans une ferme. Il dit que là bas les actions d’Hitler ont bien baissé et que bien des villes ne sont plus que des ruines.

20 Vendredi. Jusqu’à ce jour, le gouvernement faisait des sacrifices pour que le kilo de pain ne soit payé que 4,80 F. Il supprime sa générosité et à Nevers, le kilo de pain coûtera 7 francs. J’en tiendrai compte à mon jardinier pour sa consommation familiale. D’Angers, Geneviève Clayeux nous apprend les fiançailles d’Edgar de Chargères avec Melle Guinel, fille d’un industriel, charmante personne sous tous les rapports, 25 ans, famille honorable, grosse fortune, mariage le 2 juin à la campagne. Roger de Bouillé prépare une liste pour le conseil municipal.

21 Suzanne Le Sueur, vient manger avec nous le ris de mon veau Normand ;

22 Dimanche. Vent glacial qui nous promet de la famine. Visite d’Antoine Chenut. A Vendôme, même sécheresse. Je fais la connaissance de notre nouvelle directrice de la Poste. Elle ressemble à une sœur sécularisée. Son mari est menuisier. Il prend l’atelier de Berger.

23 Marcelle passe par Fontallier en allant à Livry voir la nouvelle présidente de LPFF. J’ai la visite de Boibien, Huissier Greffier à Saint Pierre, venu pour s’entendre avec moi au sujet de Michel. Cheveux .

24 Je coupe les branches gelées des lauriers et je donne 7 000 F à Lavergne pour ne pas avoir fait grand-chose.

25 Maurice Jourdier a été blessé et décoré de la Médaille militaire par le Général de Larminat. Il est hospitalisé à Saintes. Le jeune d’Aunay est fiancé à la seconde fille des P. du Verne. Saint Marc ne nous donne pas le changement de temps désiré.

26 Pluie. Alain de Villenaut fait part de la mort accidentelle de leur fils âgé de 20 ans. Le Marquis de Chargères annonce par un imprimé les fiançailles de son fils avec Melle Guinel. La Marquise ne m’écrit pas, c’est qu’elle n’est pas contente. Il n’y a pas assez de quartier de noblesse dans la partie adverse. Paul du Verne me fait part des fiançailles de sa fille Renée avec l’aspirant d’Aunay, fils du bon ami d’Augustin. Marcelle va à Nevers. Elle en revient tard fatiguée par sa bicyclette. Foire à Saint Pierre, où les petits cochons se vendent 200 F le kilo. Mon jardinier en achète un à Callot pesant 17 kilos. Je ne lui fais payer que 1700 Francs, un autre de la même portée coûte 4 000, c’est fou !

27 Martinat vient couper la queue à une pouliche de Callot qui a un an. Une fille mère de Saint Parize vient nous couler une lessive. Je rallume du feu.

28 Pluie. Samedi. J’écris à Guiguite de Villeneuve, elle nous écrit que la sécheresse est terrible à Angers. Marcelle me fait de la bonne cuisine, comme nos deux vaches sont fraîches de lait on a du beurre.

29 Neige. Dimanche. Beaucoup plus de monde à la mairie pour voter qu’à l’église pour prier le Bon Dieu. Dubost me téléphone que Boibien a pu faire signer à Michel la pièce qu’il voulait, j’en suis bien aise. 8 conseillers sont nommés, 7 de la liste Gilbert et 1 conservateur Martinat. Il manque une voix à Roger de Bouillé pour être élu, c’est dommage. Somme toute nous allons à gauche.

30 Il neige et le froid glacial fait perdre ce que la pluie nous a apporté de bon. J’écris à Yvonne et à Edmond. Guillaume est en ballotage à St Eloi. Toute la journée, il passe des avions de je ne sais quelle nationalité. La fille mère Billat vient avec son nourrisson de 14 mois garder notre cuisine et faire la vaisselle. Melle Tissier dîne avec nous.

26.2.10

Février 1941

1er .pluie Marcelle qui me reproche d’être toujours en avance, voit le car qu’elle voulait prendre passer sur le Pied Prot au moment où elle se disposait à sortir, cette fois, je triomphe. Elle saute alors sur sa bicyclette pour aller à Nevers, mais en arrivant à Magny, elle trouve Mr Guéraud qui se disposait à partir à la ville dans son auto et qui lui offre une place. Elle a eu plus de chance qu’elle n’en méritait. De Magny, elle me rapporte un excellent Gorgonzola.

La Chandeleur. Pas mal de bougies à la grande messe. Le Maire annonce que 14 paires de chaussures seront affectées à la commune, et toute personne ayant 2 paires à peu près en bon état ne pourra en acheter.

3 . J’oublie mon Rosaire. Malgré une forte tourmente de neige, Marcelle qui est intrépide va goûter à Planchevienne. À 9 h du soir, coup de téléphone d’André, nous croyons que c’est pour nous annoncer la mort de mon beau-frère, pas du tout, c’est qu’il va mieux.
4 . Neige glacée, routes impraticables. Bonne nouvelle cependant, le conseil général est remplacé par 7 membres, parmi lesquels le Comte de Nadaillac, A Naudin, sénateur, Flandin, sujet remarquable, Pielin, Lospied, cette fois ce n’est plus la politique qui les nomme, mais bien le mérite qui les fait choisir. Vive Pétain !

5 . Lettre de Guiguite qui dit être allé à Tours à Corval pour faire constater par huissier les dégâts occasionnés par les Boches, ils son importants. J’écris à Nadaillac pour le féliciter.

6 .-5° Bien aimablement, Montrichard vient me prendre pour me conduire à Nevers où je fais plusieurs visites, au colonel d’Assigny, aux Mollins, à Simon d’Assigny. Je vois sa mère qui se trouve mieux, et enfin M.A. du Verne qui se remet tout doucement de sa chute, sa nièce M-.Thérèse la soigne. Je giberne un bon moment avec Charles de Fontenay qui me reçoit dans le petit cagibi qui lui sert de salon où en sa qualité d’aveugle, il se tient.

7 .dégel 1er Vendredi du mois. Beaucoup de la FSP. Les routes sont si verglacées que je ne vais pas à la messe. Lettre de Roger, 6 pages, c’est toujours un régal de le lire, comme tous les autres, il est bien inquiet de l’avenir, cette discorde entre le brave Maréchal Pétain si sympathique à beaucoup et Pierre Laval si favorable aux Boches fait trembler.

8 . Monsieur Barial, propriétaire de la ferme de Gy m’ayant plusieurs fois invité à visiter son domaine, j’y suis allé et j’ai constaté qu’il avait beaucoup fait comme améliorations des bâtiments, mais comme cheptel, c’est horrible, il a 13o bovins, la plupart venus d’Auvergne, cuisse de grenouille, dos de harengs, q q charollais un peu meilleurs mais tous dans un état de maigreur impressionnant car il y a du fourrage pour nourrir 5o bêtes. Albert Barillet, qui a la charge de ce troupeau, en a honte. Barial veut faire un étang dans l’une des vallées et capter une source pour amener l’eau dans toutes les écuries avec un moteur.

9 .Dimanche Nadaillac me remercie des compliments que je lui avais adressés. Discorde entre Pétain et Laval, cela va mal. À la sortie de la messe, on vend des quantités de cartes postales à l’effigie du sympathique Maréchal au profit du secours national.

1o . Lettres d’Édith et d’Augustin du 4 Février, arrivées par je ne sais quelle voie. Ils vont tous bien, ils se plaignent de n’avoir que peu de nouvelles d’Afrique. Perrette va un peu mieux. Roy va à Nevers chercher de l’engrais et des pommes de terre de semences. Il faut en changer chaque année, si on veut récolter qq chose. Dans ma jeunesse, on mangeait des Vitelattes d’un bout de l’année à l’autre.

11 . Les Pierre de Rouville déjeunent avec nous. Suzanne nous fait d’excellentes pommes de terre frites et Marcelle un délicieux canard rôti suivi d’une tarte non moins bonne.. Dans l’après-midi, visite des Gabriel Mathieu et de M.-Th de Champeaux venue au ravitaillement, mais elle ne trouve rien. Sa tante va mieux.

12 . Marcelle ravitaille à Paris Louis Monnier et ses six enfants, elle lui remplit une caisse avec des carottes, des haricots et des pommes de terre que je vais porter à Mars pour les expédier, la chef de gare me dit que pour ces deux derniers légumes, il faut une autorisation de la préfecture sans cela ils risquent d’être saisis à l’octroi de la capitale. Je passe outre, à la grâce de Dieu.

13 .pluie J’envoie chercher foin et paille à la Petasse. Il nous arrive de Semelay Nuven une cuisinière Marie Berthelot, 5o ans, séparée son mari, pas d’enfant, bons certificats, sa figure me revient assez.

14 . Lettre du 11 de Marguerite Clayeux qui dit que son beau-père a encore rechuté, et qu’il a une garde avec laquelle il fait bon ménage.

15 .pluie Mon métayer des Petites Granges enfreint le règlement en vendant à la maison des nourrains de 45 kg parce qu’il n’a plus de quoi les nourrir. C’est comme pour le monde dont beaucoup meurt de faim.

16 .Dimanche Lettre de Cécile, qui sur la recommandation de M. A du Verne va voir Madame du Crest, née Veygny dont le mari a une modeste situation à la préfecture de Rennes, pour lui faire la charité de la part du secours national, elle la trouve faisant sa cuisine dans un appartement composé de deux pièces où elle habite avec ses 3 enfants.

17 .pluie Je reçois une lettre d’André qui me demande quelle est la dot de mes petites filles, j’en suis flatté, mais il m’est difficile de répondre, car avec un avenir aussi trouble, on est sûr de rien. Un officier Allemand visite la maison en vue d’un cantonnement, je lui dis que nous n’avons ni électricité ni pétrole, cela fera peut-être retarder une nouvelle occupation. Je vends deux vaches à Callot avantageusement et cela fera de la place pour loger les veaux qui naissent. Envoi de pintades à Louis Monnier et de 12 œufs aux Jacquemain, ce sont les premiers de la saison achetés à la polonaise du Pied Prot.

18 .pluie Je profite de ce que je fais livrer une vache à Magny pour envoyer chercher des betteraves chez Goby qui les vends 3oo frs les mille kg. Marcelle déjeune à Planchevienne.

19 . Avec ma cuisinière, nous mettons sous-clés 1o9 bouteilles de vin Aïn Kala, 89 dans la première, 2o dans la seconde.

2o . Lettre d’Edmond, son père ne quitte plus guère son lit, il est content de sa garde. Il m’envoie une lettre d’Hervé qui se plait à Tlemcen où il a trouvé un petit appartement convenable. J’envoie une corde de bois d’orme aux Rouville. Marcelle va à Nevers en bécane pour y voir M.Th Anginieur qui retourne à la Terrasse. Elle lui fait emporter des épinards pour Édith, ce légume ne poussant pas à Bulhon.

21 neige En 194o, le Général de Gaulle abandonne l’armée Française pour aller se mettre au service des Anglais, en même temps, nous apprenons que le capitaine Paul Jourdier qui tenait garnison en Syrie était parti pour rejoindre lui aussi les Anglais sur la côte Africaine, emmenant avec lui tout son escadron de spahis. Or le mois dernier, la radio annonçait que ce même capitaine était entré le premier avec ses hommes dans la ville de Tobrouk d’où il avait chassé les Italiens alliées des Anglais. Doit-on s’en réjouir, l’avenir nous le dira. ! Mais lors de sa désertion, la conduite du capitaine fut jugée sévèrement par les uns et approuvée par les autres. Jacques de La Brosse vient goûter avec Marcelle. La neige fond dans la soirée.

22 . Je vais à Nevers par le car et pour le retour, j’arrive une heure d’avance pour être sûr d’avoir une place assise. Je passe chez le contrôleur pour faire ma déclaration de d’impôt sur le revenu. Je trouve un Mr pas complaisant et connaissant peu son affaire. À la StéGale, je leur montre qu’ils tiennent mal mon carnet. Je laisse une douzaine d’œufs à Madame de Sansal, ils sont les bien venus. Comme toujours, M. Antoinette du Verne n’est pas chez elle, Marcelle donne à son cabinet de toilette un aspect présentable, il en avait besoin ; le linoléum à carreaux blancs et rouges est d’un très bel effet . Pendant mon absence, un élégant jeune homme installé à Moiry dans la maison Fournier achète 6 génisses à Callot pour les mettre dans des prés qu’il a loués à Mars, 14 ha.

23 .Dimanche,pluie Temps horrible, 12 hommes seulement à la g d. messe, sans compter les fidèles jocistes. À l’heure du Goûter, Jacques de La Brosse arrive pour faire des beignets aux pommes avec Marcelle. Je commence un rhume.

24 .pluie L’homme affable qu’était le Commandant Ducrot meurt dans sa propriété de Sesseigne qu’il adorait depuis 79 ans. Il va aujourd’hui retrouver dans le cimetière de Gersagny sur Loire, la tombe de son illustre père qui repose dans un superbe monument.

25 . -3° André ayant à faire à Nevers, vient avec sa femme et Madame Golliot nous demande à déjeuner. Je les accompagne en ville, emportant une peau de martre et deux de putois, dont je n’avais que faire. Un marchand de fourrures m’ayant dit qu’il pouvait me les acheter, je les lui présente, il les trouve mal tannées et vieilles, ce qui est vrai. Il n’est pas preneur. Tout confus, je les présente à un autre fourreur, rue du commerce, lui aussi fait la grimace, mais au moment où je me disposais à les remballer, le marchand me dit, tout de même, je vais vous en offrir un petit prix, 1ooo, one thousand, ça vous va-t-il ? Tu parles si j’ai accepté. Je dépose ma déclaration d’impôts sur le revenu chez le contrôleur. Jacques vient goûter et apporter une lapine à Marcelle. C’est le jour des cadeaux, Simone d’Assigny lui envoie un joli cocker noir répondant au nom de Jimmy.

26 . Mercredi des cendres. Messe à 1oh½ à laquelle j’assiste. Bien peu de monde. Marcelle va à St Pierre.

27 . Jeudi, foire à St Pierre où Moreau doit me conduire en me prenant à 8h½, il est 9 h et il n’est pas encore là ; c’est qu’il marche à l’heure Française et moi à l’heure Allemande, ce n’est pas par sympathie. Enfin il arrive et je monte dans son minuscule tonneau attelé d’un minuscule poney à la marche lente mais sûre. Peu de monde sur le foirail et encore moins de bétail. Mon cheptel y est représenté par 4 petits cochons de Callot qui se vendent bien, leurs semblables étant peu nombreux, car la nourriture devient fort rare et que les pommes de terre sont plus recherchées que les truffes.

28 . Marcelle ayant obtenu un laissez-passer de la commandantur va au Veurdre en bécane, déjeune à la Charnaye d’où elle téléphone à Édith qui est pour 8 jours aux Gouttes. Mon beau-frère va plutôt mieux. Dans l’après-midi, elle va avec Paulette Le Sueur faire sa correspondance chez Mr Lescane et retraverse le pont sans difficulté.

25.2.10

Janvier 1941

1 er J’ai aujourd’hui 86 ans, et grâce à Dieu pas trop d’infirmités, j’en remercie le Ciel et demande au Bon Dieu que s’il veut bien m’accorder quelques semaines à vivre, je ne devienne jamais à charge à mes filles qui ont toujours été pour moi d’un dévouement au dessus de toute épreuve, suivant en cela les leçons que leur très regrettée mère leur a inculquées dès leur plus tendre enfance. 194o a épargné mes petits-fils, que Dieu continue à bénir leurs foyers et que les générations qui suivront fassent toujours honneur à notre famille. Marcelle, infatigable part pour St Pierre poster nos étrennes au vieux ménage Voisin, resté pendant de nombreuses années à mon service. Elle donne de petits cadeaux aux 21 enfants qui habitent les domaines et les locataires de la terre de Tâches, elle termine la journée en portant ses vœux à Fontallier où elle trouve les filles Meynier, Nicole de Rubercy et Mlle Valois.

2 .Neige Il neige et il fait un vent du nord ouest qui vous déshabille. Edmond me prie de prendre des renseignements sur Michel Pourcelle, des Bruyères Radon qui se présente comme garde.

3 .-1o° Il fait si froid et si glissant qu’avec regret, je manque la messe et la communion du premier Vendredi du mois. Marcelle plus courageuse assiste à la messe avec deux autre femmes ; je me contente de dire mon rosaire.

4 .-1o° Je fais une tournée sur les craies par la neige et je constate qu’il y a beaucoup plus de lapins que je ne voudrais. Chasse fermée et fusils saisis, bonnes conditions pour être dévoré par les rongeurs. À Callot, un veau tombe sur la glace et se démolit une jambe de derrière.

5 .-8° Dimanche On marche si mal que je lis ma messe au coin du feu. Je mange bien. Je dors de même, mais ma vieille carcasse maigrit tous les jours, ce qui ne m’empêche pas de rentrer le bois et de garnir les feux abondamment. Lettres de Louis Monnier et de Jacquemart qui remercient Marcelle de les approvisionner l’un à Paris, l’autre à Versailles où l’on meurt de faim.

6 . Lettre de Riquette de Chargères, souhaitant la bonne année et nous disant que les Boches qu’ils ont logés n’ont pas été désagréables, cela n’est pas de même dans tous les pays. À Bourges, ils sont insupportables, ils ont mis Madame de La Charmée à la porte de son château et de son hôtel, de même pour le vieux ménage Montalivet. Mr de Prunéli-Bouillé est mort, Henri Talabot mort aussi à Pontaillac.

7 . Jacques de La Brosse vient goûter, ce qu’il aime assez ? Lettre de Bulhon, où on va bien.

8 .Neige Il tombe pendant la nuit 2o cm de neige, le parc est magnifique. Marcelle est contente, beaucoup plus que moi. Un châtron de Callot tombe sur la glace et se déboite la jambe gauche aussi. Jeanty creuse un fossé pour amener l’eau à l’étang Américain, et coupe des vernes. Montrichard, qui devait conduire Marcelle à Nevers ne peut mettre sa voiture en marche Lettre de Cécile. Marcelle déjeune à Planchevienne et part ensuite courageusement pour Nevers à bicyclette dans la neige, elle veut voir Simone avant son départ prochain pour Tlemcen.

9 . -1o° Je fais atteler mon âne et vais me promener jusqu’aux Queudres, où je constate qu’il y a beaucoup trop de lapins.

1o. Personne ne se promène, on ne voit passer que des bicyclistes venant chercher du beurre dans mes domaines depuis Nevers, on se le dispute, car il est très rare et c’est à peine si je peux en avoir une livre pour moi.

11 . -12° On gèle, la pompe de la cuisine est prise, la soupape des cabinets ne fonctionne plus. Dimanche, Marcelle me conseille de ne pas aller à la messe. Je l’écoute, plus pour l’âne que pour moi-même, j’en ai pitié. Reçu longue lettre de la Marquise de Chargères, qui me dit qu’avec du feu dans sa chambre toute la journée, elle fait péniblement monter le thermomètre à +4°, elle travaille sans arrêt, brosse son parquet, cire des souliers, etc … Le Breuil a été pillé pendant l’invasion.

12 .-14° La lune monte, le thermomètre aussi, du coté du froid. Nous avons la chance de perdre notre cuisinière et son fils, depuis 4 mois que nous l’avions, Marcelle en avait par-dessus les épaules ; pour qu’elle parte, j’ai dû lui payer son billet de retour, coût 2oo frs.

13 . Pleine lune.-17° Marcelle me fait de la bonne cuisine et moi je fais bon feu.

15 . Je vais à la Mairie me faire payer 1785 frs pour l’occupation Allemande dans ma maison ; au lieu de la toucher, je verse 285 frs, ce qui me fera un acompte de 2ooo frs sur mes impôts de l’année. Lettre d’André me souhaitant la bonne année et me disant qu’un pépiniériste de Moulins a eu - 23° la nuit du 12 au 13. Téléphone de Guite partant de Tours où Gaby a trouvé une situation dans les reconstructions. Marcelle me fait un bon poulet en cocotte. Yvonne est encore à Bulhon, et Simone aussi, elles passeront peut être la mer ensemble. Madame Le Sueur vient goûter.

16 . Elle nous envoie un lapin (coût 15 frs), c’est son cousin, Gabriel Mathieu qui vient les prendre chez elle au furet, 12 au tableau hier. C’est Guiguitte qui nous l’a apporté en allant comme chaque jour de 2 à 5 à bicyclette prendre des leçons avec notre curé, et passant seule sur des routes fréquentées par les Boches. Cela nous surprend de voir sa mère la laisser voyager seule. Lettre de mon beau-frère qui me dit qu’ils ont eu moins 25 ° et un mètre de neige par place. Gaby est à Tour, sous les ordres de son beau-frère dont ils partagent l’appartement et sous la direction de son autre beau-frère Charnacé (essai 3 mois). Grande lettre de Cécile qui dernièrement a passé 24 h chez elle après avoir manqué une correspondance. Son gendre Huon de Pénanster a eu des verres de ses serres cassés par des éclats d’obus. Dimanche dernier, un coup de téléphone l’appelle vite, vite, elle sort et arrive dans un salon où elle trouve de nombreux amis entourant le Colonel de La Roque à qui il dit des choses très consolantes. Tant mieux, mais je ne suis pas encore rassuré. Marcelle devait aller à Nevers pour voir une cuisinière, le car ne passant pas, elle est bien désolée de manquer son rendez-vous. Elle va faire le catéchisme à Moiry.

17 .-8° Recevons lettre d’Édith très intéressante, ils ont tellement de neige que Miette a pu aller à Lezoux à ski, elle nous envoie une lettre d’Hervé qui se plait à Tlemcen où il a loué une petite villa, il monte à cheval avec les spahis, il ne lui manque que sa femme. Il y a plus de 1oo officiers dans sa garnison. On enterre aujourd’hui à Nevers l’abbé Gaudry, curé de St Pierre et à Varennes, Léon Delamalle, 79 ans. Marcelle, malgré les routes chargées de neige part pour la ville à bicyclette pour y voir une cuisinière qu’elle retient et qui entrera à notre service le 25 ; c’est Julie Robin, jeune fille de 56 ans qui est restée 14 ans chez le Colonel Grison, elle est de Chevagnes.

18 .-5°,neige Il a neigé pendant plusieurs heures, ce qui n’a pas empêché ma courageuse fille d’aller à la messe et de rapporter notre pain d’une livre pour la journée ; c’est peu pour nos appétits. En rentrant d’une promenade dans la neige, ma parole devient embarrassée, je ne trouve plus mes mots et cet état dure deux heures après lesquelles, tout se remet en ordre et je dîne bien. Marcelle me fait une piqure d’Acétoline prescrite par Robet en pareil cas.

19 dégel La neige disparait. Le château historique de Doys, aux Rolland Dalon, brûle, 2 millions de dégâts. Il était occupé par les Boches et les propriétaires étaient dans les communs. Il y a un tel verglas que je renonce à aller à la messe, c’est le 3 ème Dimanche que je la lis au coin de mon feu. Une jument de 5 ans des Petites Granges tombe sur la glace et se tue, c’est le désastre pour ce domaine.

2o .pluie Marcelle retrouve dans un vieux tiroir la trousse dans laquelle on mettait la lancette avec laquelle Madame Amable vaccinait tous les enfants du pays, l’arnica, le bismuth, les bandes de plomb pour soigner les jambes malades, aussi, dans le pays, on l’appelait Madame Aimable.

21 .+1o Il tombe des torrents d’eau, ce qui n’empêche pas Marcelle d’aller à Villars et d’en rapporter deux litres de lait, il n’y en a plus nulle part. Les Chirat et le garde en sont privés, en ville, il n’y a que les femmes enceintes et les tout petits qui ont le droit d’en avoir.

22 .+1o Lettre d’Édith du 15. Mes 4 petites et arrière petites filles s’embarquent aujourd’hui à Marseille, Simone pour Tlemcen et Yvonne pour Casablanca, où Jean a loué une villa. À la Terrasse, il a gelé à glace dans la salle à manger et le Baron se met si près du poêle que Perrette a peur que ses habits ne s’enflamment. Jacques vient goûter avec Marcelle, ce qu’il aime beaucoup. Je paye Lavergne qui me prend 8 frs de l’heure, soit pour 9 h, 72 frs par jour, ce qui fait plus de 2o ooo de rentes.

23 . Par Geneviève Clayeux, j’apprends que mes petites filles ont quitté Bulhon, et que mon pauvre ami d’Anchald dont j’ai parlé hier, est mort. Il a dû mourir de froid. Les Anginieur ont pu assister à son enterrement. Je vais à Nevers par le car. La Loire entre dans les maisons du quai, je dépose un sac de légumes à l’hôtel St Louis, cadeau pour les Ch. Tiersonnier, je monte chez les Petites sœurs de l’Assomption où je dépose leur rente annuelle. Rue de la Basilique, je vois la maison de Tassain ouverte, je sonne, personne, il ne doit jamais ouvrir. J’entre chez le Colonel d’Assigny, il n’est pas chez lui, mais j’y trouve Gilberte Adenot et la grande Simone, qui attendent Guillemain et Guillaume qui vont à Moulins coffrer Monique à la Congrégation ; sa mère ne va pas mieux. Je fais mettre mes carnets à jour à la Sté Gale et au Crédit Agricole. Au Crédit Lyonnais, je fais faire un virement de mon compte à celui d’Augustin parce que son fermier du Mou avait versé son terme à mon nom. Je me pèse en passant chez mon pharmacien. 74 kg, c’est dix de moins qu’au temps de ma splendeur, cependant, je mange bien et dors de même, mais tout le monde est comme cela. Visite à Madame de Sansal qui me lit une lettre de Simone écrite avant son départ de Bulhon. Visite à Marie-Antoinette du Verne. Quel n’est pas mon étonnement de trouver Louis de La Brosse chez elle : il est venu de Paris parce qu’on ne lui paye pas le loyer de sa maison occupée par le lycée et pour son architecte : aucune satisfaction dans les deux endroits. Hubert avec femme et enfants est parti il y a 8 jours pour le Maroc. J’arrive 45 minutes avant le départ de mon car, bien m’en a pris car sur 2o places assises, je n’ai que la dernière, quand il s’ébranle nous étions 39. À 6 h ½, nous avons une petite visite des du Verne, et Guillemain, retour de Moulins.

24 .pluie,grêle. Madame Thierry vient me couper les cheveux, c’est bien commode. Marcelle prétend avoir entendu tonner à 5 h du matin.

25 .pluie Nous attendions Julia Robin par le car, elle ne vient pas. Je touche 23o frs pour la pierre prise dans ma carrière par l’agent … et 4ooo frs de mon fermier Bringant pour son terme du 11 Novembre, il doit me payer en nature sur 4oo Kg de bœuf, comme il vaut 15 frs, il aurait dû me payer 6ooo, mais comme il a été très malheureux, je lui fais cadeau de 2ooo fr. La cuisinière que nous attendions nous fait faux bond, elle préfère rester en ville.

26 . Dimanche Je vais à la messe, ce qui ne m’était pas arrivé depuis le commencement du mois. Lettre de Cécile et aussi paquet dans lequel elle nous envoie des bas et du beurre, ce dernier est le bien venu, car il est introuvable ici, à Callot, on peut nous en vendre par grâce ½ livre par semaine. Montrichard m’apporte 24 bougies de Nevers, à défaut de pétrole. De Millay, Anginieur nous téléphone de la part d’Édith que mes petites filles sont arrivées à bon port à Oran et que Perrette est mourante. Comme son père prenait la congestion pulmonaire qui l’a emporté, elle en était atteinte d’une cérébrale.

27 . J’écris à Cécile qui nous envoie à choisir entre deux photographies de ses petites filles faites à Lyon et qui sont charmantes. Je pars avec une bêche pour arranger les sentiers qui entourent l’étang Américain qui prend la tournure d’un petit parc. Il fait doux, aussi je prends chaud, ce qui n’est pas désagréable en janvier. Je fais brûler les ronces qui envahissent tout par Niout qui coupe le taillis poussé à la place de la futaie et qui a 23 ans.

28 . Duceau passe, j’en profite pour envoyer mon journal à Bulhon, et Marcelle une lettre aux Gouttes. Martinat démonte la pompe de la cuisine qui a été détériorée par la glace.

29 . Il y a 3 semaines, j’avais écrit au Préfet pour lui demander l’autorisation de détruire les lapins. Or, hier, à 2 h, une auto s’arrête devant le perron, il en descend 4 officiers allemands armés jusqu’aux dents, l’un d’eux me donne copie de ma lettre et ils partent en chasse, deux minutes après, pan ! et au tableau une poule du garde, puis je les vois revenir et se sauver, est-ce parce qu’il pleuvait un peu ou parce qu’ils avaient honte de ce peu glorieux coup de fusil, je suis encore à me le demander. Dans tous les cas, en fait de destruction de rongeurs, c’est réussi.

3o . Les Martinat passent leur journée pour réparer ma pompe qui se dégrène souvent, ils remplacent la soupape de cuir par du caoutchouc, le travail est à refaire . Marcelle va à Chevenon à bicyclette, la route est très tuante. Ayant une occasion pour la zone libre, je fais partir des lettres pour Édith, Hervé, Yvonne et Cécile.

31 . Lettre d’Edmond du 28, son père s’affaiblit chaque jour, il a reçu le viatique, c’est bien triste pour moi de ne pas pouvoir aller lui dire un dernier adieu. Maret, Fassier et Gilbert ont fini d’exploiter les ormes qu’ils partagent avec moi, j’en ai 16 m3, et eux le double, c’est avantageux pour eux, mais aussi pour moi car la façon ne me coûte rien. Le ménage Pierre de Rouville vient goûter avec un très bon appétit.

24.2.10

Mars 1945

1. Il y a dans le grenier grillagé cent doubles d’avoine et une vingtaine de doubles au Vieux château. Les Edmond prennent le train de sept heures du soir.

2. Premier vendredi, je voulais aller à la messe, mais ayant été dérangé, je m’abstiens. Ces dérangements deviennent assez fréquents et m’inquiètent. Je vends à Gonin pour sept cent francs la petite taure de ma vache bretonne qui a huit jours. Pierre de Rouville est très malade, à l’hôpital Pasteur il a été administré. Jean est en permission de dix jours à Boutavent où Kiki fera sa Première communion le six. On fait passer une liste de souscription pour les prisonniers. Marcelle et moi nous donnons chacun cinq cent francs. Godard aide mon jardinier à tailler le lierre avec l’échelle à coulisse. Marcelle fait faire par Jacquin du bois de chauffage avec des vernes et des trembles. On partagera en partie égale. Le marquis de Mongont meurt à Montagne et est enterré à Crevant. Vent du nord glacial.

3. -0, vent toujours froid avec gelée blanche, l’herbe ne peut pas pousser. Marcelle va à Nevers debout dans le car. J’ai la visite de mon curé, j’en profite pour me confesser, je lui donne un paquet de cigarettes, ce qui fait son bonheur. La guigne continue pour ma cavalerie. La Marquise de Callot s’est fait une déchirure dans une jambe avec un fil de fer ronce. Quinze jours de repos.

4. -0. Dimanche. Melles Roux et de Maubecq déjeunent avec nous, elles espèrent que leur jument a des espérances.

5. Marcelle envoie cinq kilos de sel à Madame de Forcy à Rennes. Le fer électrique à Miette et des salsifis au chef de gare.

6. Pluie légère. Kiki fait à Boutavent sa première communion privée à laquelle elle a été préparée par le Père Borteay qui, de Cluny, dessert trois paroisses avec Melle Yvonne de Valence comme sacristain. Je vends mon veau breton âgé de huit jours à Gonin pour sept cent francs. Nous aurons du lait maintenant.

7. J’ai encore eu mes dérangements la nuit, ce qui ne laisse pas que de m’inquiéter.

8. La messe est dite pour Edith. Marcelle y arrive après l’élévation parce que selon sa mauvaise habitude, notre curé commence toujours avant l’heure. Madame Chicon, ma métayère, qui nous a fournit du lait pendant que mes vaches n’en avaient pas me le fait payer six francs le litre, ailleurs il coûte cinq francs. Marcelle déjeune au Manoir où elle goûte avec Mme Gabriel Mathieu. Téléphone d’Yvonne disant qu’elle nous reviendrait le dix avec un taxi de Cluny.

9. La Normande met bas un magnifique veau mâle. Roy à Callot finit de semer du blé de printemps dans les champs Janboux sur un bon labour. Le Renaud du Lieu Maslin nous apporte de la jolie farine de blé.

10. -0. Yvonne nous revient de Boutavent avec les petites qui sont superbes. Pour faire cent quarante kilomètres, un taxi gazo de Cluny lui prend cinq mille francs. Lettre de Miette qui demande des vivres car elles sont mal nourries à son hôpital.

11. Dimanche. Le maçon Godard qui m’a envoyé son petit commis pour aider mon jardinier à tailler le lierre contre la maison me demande cent francs. Richard vétérinaire vient faire une piqure anti microbienne à ma vache normande qui a de la mamite dans une tétine. Ca va lui faire perdre un quart de son lait. Marcelle, sur la demande pressante de la comtesse de Maudelot va faire une conférence (Chantenay) aux ligueuses sur la question du referendum pour savoir si les populations veulent que les écoles libres soient oui ou non subventionnées par l’état. Présence de vingt cinq ligueuses dont Mmes Motte, de Fontenay, Gozard. Les Persan offrent un excellent déjeuner à Marcelle au Perray. Le gendre et la fille contredisent tout le temps madame mère, bien à tort.

12. Cécile nous annonce la mort de Pierre de Lafond à Dinan.

13. Une dépêche nous apprend la mort de Pierre de Rouville à Paris. Je garde de lui un charmant souvenir, j’avais beaucoup de plaisir à le voir pendant ses séjours à Planchevienne. J’écris à sa femme. Marcelle va à Nevers par le train de sept heures pour assister à la pieuse __ , à une retraite prêchée aux ligueuses par le père de Chalendar SJ. Au retour, son train à une heure de retard. Elle déjeune chez les Delamalle.

14. +12°. A la première heure, nous avons la surprise de voir arriver Dédette pour la journée. Elle est en séjour à Moulins. Yvonne et Kiki vont à un service anniversaire pour Mme Grincour à Saint Pierre et déjeunent à Buy au retour. Temps superbe, douze degrés.

15. Marcelle retourne à sa retraite où elle entend avec plaisir le père dire à son auditoire qu’il vénère le maréchal Pétain. Suzanne Le Sueur est renversée par un camion rue Lafayette et ramenée en taxi à Villar assez meurtrie.

16. Mon rosaire. Madame de Nadaillac nous amène Roger pour déjeuner. Mon germain a bien vieilli physiquement mais la blague est toujours bonne. Il a encore tué trois sangliers cette année. Il m’apporte une bouteille de marc de son hectare de vigne qui lui a rapporté vingt mille francs cette année et ce n’est rien à côté de ses bois qu’il exploite lui-même. Buffet vient tailler les arbres fruitiers du jardin. Son fils est revenu de captivité.

17. Dédette vient passer la journée avec nous. Hervé est à Moulins pour bécher et semer son jardin.

18. Dimanche. Guite Le Sueur nous amène pour déjeuner Melles Le Droumaguet et de Chalvron qui font avec elle leur Croix rouge à l’hôpital de Nevers. On nomme à l’élection le bureau du syndicat agricole de Saint Parize. Les membres sortent dans l’ordre suivant : Roger de Bouillé, A. Moreau, Richard, de Parizy Raclin, Morizot, Deleume, Roy mon métayer (bon résultat). Après la messe, le conseil paroissial se réunit pour parler du référendum et de la façon dont seront envoyés et recueillis les bulletins des votants, hommes et femmes.

19. -0. Saint Joseph. Je m’approche de la Sainte Table. Mon métayer Michel me dit que ne trouvant pas de ferme, il veut rester aux Petites Granges. Ce qui me plonge dans un cruel embarras.

20. Lettre de Cécile, elle est devenue une grande conférencière comme sa sœur. Les membres du syndicat agricole nomment leur bureau. Président, R. de Bouillé, vice-président Richard, Abel Raclin secrétaire.

21. Marcelle déjeune à Fontallier.

22. Je suis encore dérangé à trois heures du matin. Yvonne va à Nevers. Foire à Saint Pierre. Chicon et Roy y mènent du nourrain qu’ils ne vendent pas, il ya de la baisse sur cet article.

23. Yvonne et Monique passent la journée à Moulins chez Simone. Marcelle, qui a eu pitié de Silky qui était enfermée dans un box, et pour cause, l’a lâchée un instant, ce qui a suffit pour qu’elle contracte mariage avec un affreux roquet ; on avait promis sa main au cocker d’Antoine Robert. Je fais mettre mon blé en sac. Callot mène six veaux d’un an à la Seigneurie en pension.

24. Jeanne de Lary et sa fille passent la journée avec nous. Marcelle va à Varenne à l’enterrement de Leuferna qui avait trois mois de plus que moi, mais qui depuis longtemps était dans le gâtisme.

25. Les Rameaux. Au retour de la procession, le vent est Sud-est, c'est-à-dire de solaire.

26. Pluie. Berthe Tiersonnier, venant de Nevers, arrive à neuf heures à Mars et en repart à quatre heures et demie. Nous gibernons agréablement avec elle pendant ces quelques heures. Je ne l’avais pas vue depuis un an.

27. Lettre d’Hervé qui a quitté l’artillerie pour faire fonction d’adjudant major dans un régiment d’infanterie. J’envoie neuf paquets de cigarettes à Suzanne de Rouville. Marcelle déjeune à Planchevienne. André Robert me fait part de la naissance de son dix-septième petit enfant, une fille chez les Roulet pour qui cela fait le numéro six.

28. Pluie. Messieurs de La Lande et G. de Vassal viennent faire le logement des scouts qui doivent venir au nombre de quatre vingts. Je les mène à la forêt où ils monteront leurs tentes, ils prendront l’eau potable dans le puits de la Pétasse. J’en ai demandé pour eux la permission à M. Laudet. J’envoie au contrôleur les déclarations d’impôt sur le revenu. Marcelle fait dans l’église le reposoir pour le Jeudi Saint.

29. Jeudi Saint. A trois heures, les scouts nous arrivent à pied de Saint Pierre, beaucoup sont très jeunes et plusieurs sont très chargés, mais tous manœuvrent comme de vieilles troupes, je leur en fais tous mes compliments. Parmi eux, il y a François Jourdier, fils de Guillaume à qui il ressemble du reste. Marcelle leur offre le café et les conduit ensuite à leur campement. Le fermier de la Pétasse met une chambre à leur disposition pour y ranger leurs provisions. Roger de Bouillé leur envoi un mouton tué et des pommes de terre. Madame Le Sueur leur vend un veau. Barreau me fait prendre pour l’emmener à son moulin soixante quatre sacs de blé de quatre vingt kilos. Son camion passe avec peine dans les portes.

30. Pluie. Vendredi Saint. Les scouts sont mouillés. Visite du ménage Henri de Rouville qui passe les vacances à Magny. Lettre de Cécile encore censurée. Elle s’étonne de ne pas voir arriver Yvonne. Le voyage n’est pas facile avec les petites.

31. Le garagiste de Magny vient mettre des cales sous les roues de la Citroën de Marcelle (dreure). Moreau m’amène à Nevers, j’en profite pour déposer une assez forte somme au Crédit Agricole qui donne plus d’intérêts que les Bons du Trésor. Je passe chez Savignat qui n’a pas encore fini de régler le prix pour la succession d’Edith. Je paye la caisse de compensation pour ma bonne, neuf cent trente francs par an. Je fais une visite à notre évêque à qui je me confesse.

22.2.10

Février 1945

1. +9. Il y a neuf degrés dehors et deux dans ma chambre. Mais grâce au therm… j’ai très chaud dans mon lit. Nous envoyons notre dernière oie aux Petites sœurs de l’Assomption. Bernadette de Féligonde téléphone de Limon pour savoir si Miette a eu comme elle son ordre de route de la Croix rouge pour se rendre à Paris. Par les Fougis, nous apprenons que Miette est partie aujourd’hui pour la capitale en autorail.

2. -1, pluie. La Chandeleur. Le dégel ne continue pas, on glisse encore par endroits. Bonnichon vient voir Marcelle en passant, il la trouve en bonne voie de guérison. Tension normale. Pas de journaux. Edmond Clayeux a aujourd’hui soixante-six ans. Le jour de sa naissance, il nous a fait manquer une chasse de sanglier. C’est pour cela que je me le rappelle.

3. +4. St Blaise, messe de la confrérie, paiement des cotisations. La fonte des neiges provoque une grosse crue de l’Allier, neuf mètres. L’eau entre dans les écuries du Guéraud près le pont de Mornay, ce qui ne s’était pas vu depuis longtemps. Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit. St François de Salles. Hubert de La Brosse doit suivre un cours à Paris pendant trois ou quatre mois à Lemora, sa femme se débat pour essayer de revenir en France. Celle de Bernard en fait autant. Son mari qui combat en Alsace a pu venir en permission chez ses tantes de Rouville qui ne l’avaient pas vu depuis trois ans, il est très en forme et il a eu des citations magnifiques.

4. +9. Dimanche. Marcelle et moi nous allons à la grande messe dans la voiture à âne.

5. +9. Béatrix de Lagoutte nous fait part de la mort de sa sœur Odette, la pauvre femme aura eu une bien pénible existence depuis son plus jeune âge. Cinquante sept ans.

6. +8, pluie. Le marquis de Villarmont a été fusillé par les Allemands le premier septembre. Lettre de Cécile encore contrôlée. Lettre de Miette le jour de son départ pour la croix-rouge. Lettre d’Yvonne qui se dit mieux nourrie à Boutavent, une du Colonel de Sansal. Hervé n’a pas pu assister à l’enterrement de sa grand-mère.

7. +8. Chasse. MM. Neyron, Barriol et Villeneuve me demandent à louer ma chasse. Je ne veux traiter avec personne tant que la guerre ne sera véritablement pas finie et malheureusement nous n’en sommes pas encore là. Dans tous les cas avant de traiter avec l’un ou l’autre demandeur, je parlerai à Godemel, mon ancien locataire avec lequel je n’ai eu que des bons rapports.

8. Les acacias de ma carrière sont tous pillés, coupés à trente centimètres de terre, par des réfugiés qui sont à Moiry. Je signale ce vandalisme au Maire.

9. Augustin à Moulins pour quelques jours vient passer quarante huit heures ici. Sa santé est bonne bien qu’il ait un peu maigri. A la croix rouge, Miette est nourrie, habillée et touche 2 500 francs par moi. J’envoie une corde de bois aux vieux Voisins à Saint-Pierre. Augustin repart pour Moulins, emportant à Simone une valise garnie de fromage, légumes, pommes, noix, savons.

10. Marcelle va à Magny à bicyclette trouver son confesseur qui lui dit avoir reçu une lettre d’un curé de Nice déjà âgé, qui lui raconte que depuis la soi-disant libération, les églises sont désertes et que la foi disparaît.

11. Pluie. Dimanche. Il en est de même à Saint Parize, aussi dans son prône, notre curé dit que l’anarchie gagne partout. Il y avait une dizaine de bancs vides. Je lis chez le notaire le bail du Pied Prot renouvelé pour neuf ans aux époux Gonin. Suzanne et Guite prennent ici leur petit déjeuner.

12. Lundi. J’écris à Cécile qui nous a envoyé une livre de beurre.

13. Mardi Gras. +12°. Suzanne Lesueur vient manger avec nous un excellent pâté chaud fait par Marcelle. Madame Thierry me coupe les cheveux. Lettre de Cécile.

14. Mercredi des cendres. Beau temps. Hervé est dans les Deux-Sévres, Thenezay et Miette à Dijon.

15. +2. Gelées blanches. J’ai lu une lettre très intéressante, je devrais dire très triste, de notre évêque Monseigneur Flynn, dans la semaine religieuse, sur la crise des vocations sacerdotales. Il y a dans la Nièvre trois cent neuf paroisses et seulement cent quatre vingt dix huit prêtres en activité, cent quarante paroisses en binage. C’est le retour au paganisme, j’observe cela depuis ma tendre jeunesse, avec la restriction des naissances dans toutes les classes de la société.

16. Mon rosaire de onze heures à midi.

17. Lettre d’Hervé du quinze. Le chauffeur de Jean qui fait une cour assidue à notre bonne et qui lui écrit souvent nous apprend que son capitaine allait bien le onze. C’est intéressant à savoir. Moreau emmène Marcelle à Nevers, où elle consulte le Docteur Rudolphe, qui lui dit qu’elle a eu une phlébite amenée par l’eresypele et il lui donne des drogues pour détruire le microbe de ce dernier.

18. Dimanche. Il y a à trois heures à la mairie une conférence communiste, faite pour les femmes par une de leurs semblables. Douze y assistent. Madame Barrière nous prête des livres de Lenôtre.

19. De sa prison, Jacques nous fait part de la naissance de son fils Georges, le cinq février dans le Jura.

20. Méthenier avec son père commence à exploiter les têtards dans le jardin du domaine. Marcelle déjeune à Buy. J’envoie huit génisses d’un an à la Seigneurie en pension payante.

21. Gérard de Martimprey accompagné d’Antoine Robert, allant déjeuner à Buy, nous laisse en passant cinquante petites carpes pesant à peine une livre à elles toutes. Marcelle les porte dans l’étang des Chaumes Vieilles. Lettre de Simone Jourdier du Maroc par avion, elle a quarante six ans et ne pense pas revenir de sitôt en France, partie depuis six ans. Le jeune Henri de Villenaut qui tombait du haut, mal, est tombé dans l’eau et s’est noyé. Le chauffeur Castagnol écrit à Yvette que le seize, son capitaine allait bien. Par Dedette, nous savons que Miette est infirmière dans un grand hôpital à Dijon et qu’elle occupe la même chambre que Nadette de Féligonde. Je suis content qu’elle ait une aussi gentille camarade de lit.

22. -0. Gazoutte de Villaines nous arrive par le car de midi et demi et Marie Antoinette du Vernes par celui de six heures du soir.

23. Gelée blanche. Gazoutte, Marie Antoinette et Marcelle vont à trois heures au chemin de croix de Saint Parize. On remplace dans le Pré Blond neuf peupliers que l’âne a mangés.

25. Le jeune Massias nous amène en visite sa mère et Germaine Septier de passage à Luanges. C’est un bel officier qui grille de retourner au front, bien que sa blessure soit à peine guérie. Simone m’envoie une photo de sa fille. La Turquie déclare la guerre à l’Allemagne qui a maintenant contre elle la Croix et le Croissant. C’est l’hallali courant dit-on. Marie Antoinette fait une conférence aux ligueuses de Saint Parize. Il en vient trente cinq, c’est un beau succès.

26. Jean Tiersonnier me fait part de la mort de sa sœur Suzanne dont je garde un agréable souvenir. Elle était très famille. Marie Antoinette retourne à Nevers. je la conduis au train de quatre heures et demies à Mars. Gazoutte et Marcelle goûtent à Chevenon où Antoine souffre d’un lumbago depuis trois semaines et garde le lit et sa chambre.

27. Le comte Albert de Toytot meurt à quatre vingt deux ans à Machigny. Il n’aura été comte qu’après sa mort. Gazoutte et Marcelle goûtent au Manoir avec Jean qui retourne le soir en Bretagne.

28. Marcelle conduit Gazoutte à Mars pour le train de quatre heures et demie. C’est une aimable femme qui a paru contente de son séjour près de nous. J’ai admiré son collier de perles, ses bagues, un saphir, un rubis, et enfin un diamant impressionnant par sa grosseur. Les Edmond Clayeux descendent de ce train pour passer vingt quatre heures avec nous. Je suis bien aise de voir ces chers neveux que je n’avais pas vus depuis longtemps avec d’autant plus de plaisir que pour bien des choses, Edmond et moi, nous les jugeons de la même manière.

21.2.10

Janvier 1945

1. -3°. Mes arrières petites filles me souhaitent la bonne année et je leur donne une voiture de poupée dernier genre, coût 700 francs. Yvonne m’offre une médaille miraculeuse de la Sainte Vierge. Je reçois une lettre de Gabrielle de Rouville qui a été contrôlée en route. Marcelle va mieux. Bonne nuit. Avec plusieurs autres compliments, j’en reçois un de la Chasseigne, accompagné d’un excellent gâteau entouré de neuf bougies. Je suis très sensible à cette aimable attention. Armand est revenu de sa mission à Londres.

2. – 7°. Je reçois des lettres de Louis de La Brosse, d’Edmond, de Maurice Robert, de Simone Jourdier qui voit à Jinvara les femmes d’Hubert et de Bernard de La Brosse.

3. -2°. J’ai un dérangement qui me fait lever trois fois pendant la nuit, ce qui n’est pas agréable par le froid. Paul Tiersonnier m’envoie un memento de sa femme. Il cherche une maison avec jardin à Nevers.

4. Neige. Lettre de Paule de Faverges qui dit que ses neveux Guy et Amédée se sont engagés. J’envois 18 000 francs au percepteur de Saint-Pierre.

5. -2°. Premier vendredi. Vu les routes avec neige, je manque la messe. Marcelle a bien dormi.

6. -2°. Simone vient tirer les rois avec nous, c’est Aliette qui a la fève. Landais, âgé de soixante-quinze ans et couvert de rhumatisme est interné à Cusset. Dosson de la Grace a pour la quatrième fois le prix d’honneur au concours de Nevers pour ses reproducteurs. Roger de Bouillé le second.

7. -2°. Les chemins très glissants m’empêchent d’aller à la messe. Visite de Guite Lesueur qui fait sa croix rouge à Nevers.

8. -3°. Neige. Lettre de Cécile qui n’a toujours pas de domestique, ce qui ne l’empêche pas de faire manger une dinde à ses bonnes amies. Je remercie Faverges de ses souhaits de nouvel an.

9. Neige. Lettre de la marquise de Chargères qui nous apprend qu’après la mort d’un petit Courrèges au front, c’est un Villebonne qui vient d’avoir le même sort. Suzanne de Rouville nous dit que Bernard est menacé d’être envoyé en Extrême Orient et que Jacques est toujours dans un camp de concentration à Perpignan. Yvette de Noblet, dans son grand château de Fleury n’a qu’un vieux jardinier pour l’aider à faire le ménage. Cécile n’a toujours pas de personnel, ce qui ne l’empêche pas de faire manger une dinde à ses amies. Marcelle va mieux, elle envoi une oie à Madame Braive et en met deux dans des bocaux.

10. -2°, neige très abondante. Je reçois une lettre de Mme de Lépinière qui devait venir nous voir et qui en a été empêchée par la maladie de Marcelle. A Lyon, Marie du Verne a été renversée par une voiture, elle a une jambe cassée. Lettre de Berthe qui crie misère. Je lui envoie un petit billet, elle a chez elle Antoinette Jourdier devenue très sourde et rien moins que gaie.

11. -3°, neige. Marie-Thérèse Guillemain et Suzanne se réunissent pour fêter mes quatre-vingt-dix ans. Elles m’envoient une jolie boîte remplie d’excellents bonbons. Malgré la grande quantité de neige, Kiki va prendre sa leçon chez Melle Tissier. Concours de Moulins. Simone y rentre.

12. -12°. Lettre d’Augustin. Miette garde le lit, elle a un abcès sous un bras, occasionné par des piqures antidiphtériques.

13. -12°. Pas de journaux. Le marquis d’Aramon meurt à Bengy. J’en garde le souvenir d’un homme charmant, grand seigneur, ancien officier, président des courses de La Guerche. Gueraut, maire de Magny, meurt aussi.

14. -13°. Le froid gagne partout ! Dans la chambre de Marcelle, avec un feu battant, il n’y a que 8°, et 4 dans la mienne. Il ne fait bon que dans le vestibule, à cause du poêle, c’est là que nous déjeunons et dînons. Cela me rappelle l’hiver 1879-1880 ou mon père et moi, nous prenions nos repas dans la salle à manger avec nos peaux de chèvre sur le dos. Maurice Jourdier nous téléphone des Fougis où il est en permission pour quatre jours. Il vient de Cette, et parait très content. Marcelle repique un peu de fièvre. Elle a fait l’imprudence de sortir un peu hier.

15. -8°. Il fait un peu moins froid dehors, mais plus froid dans la maison. La pompe de la cuisine est gelée. Hier à dîner, nous avons mangé une boîte de repas américain envoyée à nos troupes et apportée par Jean, c’est très bon. Marcelle a passé une bonne nuit, pas de fièvre.

16. -9°. Lettre de Cécile, Rennes est aussi sous la neige. Ils n’ont ni sel, ni sucre, ni légume. Nous lui envoyons du sel. A neuf heures, Jean arrive en auto de près de Mulhouse, avec son même chauffeur. Il a engraissé, ce qui prouve que les américains le nourrissent bien. J’ai un dérangement au milieu de la nuit, ce qui n’est pas agréable par le froid qu’il fait. Mon rosaire.

17. -6°. Jean conduit Monique à Saint-Pierre pour lui faire couper les cheveux. Marcelle n’est pas encore aussi bien rétablie que je le voudrais.

18. -2°. Encore un dérangement, à huit heures du matin, mes draps de lit doivent être changés, c’est le commencement de la décrépitude, j’en suis très humilié. Jean emmène femme et enfants à Boutavent pour passer quelque temps.

19. +3°. La neige a en parti disparu mais il fait encore assez froid, c’est un faux dégel. Pas de courrier.

20. -1°. Le journal du Centre a réduit son format. Il sera bientôt comme un timbre poste. M. Louis Neyron, 2 rue Benoit Oriol à Saint-Chamond, Loire, me demande à louer la chasse de Tâches, ainsi que M. Bariol. Je ne veux pas traiter cette question tant que la guerre ne sera pas terminée pour de bon et sans en avoir parlé à Godmel. Hervé nous téléphone, il est à Moulins pour quatre jours. Il nous apprend la mort de Madame Charles Jourdier, elle n’aura pas suivi de loin son mari.

21. -3°. Dimanche. Je lis ma messe au coin du feu. Les routes sont toujours impraticables. Jacques de Lari est nommé à Brazzaville, Afrique centrale. Il part mardi pour Marseille.

22. -9°. Les Riberolles nous arrivent à huit heures du matin de Moulins. Ils sont très en forme l’un et l’autre. Hervé a engraissé, il prend son fusil sur le haut de mon armoire où il est depuis cinq ans, et tue un corbeau et un écureuil, mais il manque un lièvre. Il retournera mercredi à Fontainebleau. Le Colonel de Sansal est appelé à Paris près de sa mère très malade. Saint-Vincent, l’hiver s’en va ou se reprend. Il se reprend.

23. -2°. Ma voisine et contemporaine, Madame Lesueur, quitte ce monde très doucement, sans agonie. Son mari était mort d’une attaque, encore jeune. Magistrat au moment des décrets antireligieux, il avait donné sa démission et il était venu au Manoir pour y faire de l’agriculture avec son beau-frère Adolphe Mathieu.

24. -0°. On glisse à ne pas tenir debout, la neige est à peu près partie. Lettre de Geneviève Clayeux, qui chante les louanges de son petit fils Maurice qui est un brillant aspirant. Antoinette Jourdier a pu venir l’embrasser. Elle est devenue très sourde.

25. -2°. Cigarettes, six paquets envoyés à Suzanne de Rouville qui coûte 12 Francs pièce. L’enterrement de Mme Lesueur se passe sous une épaisse fournée de neige. Je règle les assurances sociales d’Yvette Beaufils qui ne l’avaient pas été depuis qu’elle est ici. 24 francs par semaine, 12 francs pour elle et 12 francs pour moi. Lettre d’Yvonne, ils ont fait bon voyage jusqu’à Boutavent mais elles ont eu bien froid.

26. -7°. La neige tombe et le froid redouble. Baronne Le Pelletier de Glatigny morte hier à Nevers chez sa fille d’Assigny après une longue maladie. Elle a quatre-vingt-deux ans et 1,90 de taille. Son frère le marquis de Veyny a quatre-vingt-quatre ans et seulement 1,83 de taille. Mme Sanson de Sansal meurt à Paris ou elle sera enterrée le 29 dans sa sépulture de famille, elle était dans le gâtisme depuis quelque temps.

27. Neige. Il neige toute la nuit et il fait un peu moins froid. J’envoie mes condoléances à Veyny et au colonel de Sansal. On ne dit jamais deux sans trois, ma magnifique pouliche alezane de deux ans est crevée dans le pré de la joie. C’est une perte d’au moins cinquante mille francs. L’équarisseur n’a plus ni charbon ni essence pour venir la chercher. On l’encrotte.

28. -6°. Pour la quatrième fois de suite je lis ma messe au coin du feu, c’est dimanche. Jeanne de Mollins réclame des vivres.

29. -7°. Madame Chleq nous fait part de la naissance de deux jumelles rue de l’Oratoire, le 24 janvier. Lettre d’André Robert qui demande des provisions lui aussi. Cécile réclame du sel. Marcelle prétendant que la neige et le froid étaient la cause de la mort de ma pouliche, j’ai téléphoné à la Seigneurie pour savoir ce que deviennent les trente poulains qui y sont actuellement. On ne les rentre ni jour ni nuit, on se contente de leur porter du foin dans les près et ils vont très bien. Il est vrai que l’un d’eux a été attaqué par des corbeaux qui lui ont fait une plaie dans le dos et qui l’auraient dévoré tout vivant si on ne l’avait pas mis à l’écurie.

30. -7° Pluie. Le jardinier de Planchevienne vient chercher quatre oies pour les envoyer à Paris à ses maitres, deux autres partent pour Nevers à l’adresse des Mollins et des La Boutresse. Odette très malade.

31. +3°. Dégel. Il y a trois degrés dehors et deux dans ma chambre. A cause de la pénurie de papier, le journal du Centre ne parait plus le mercredi. J’ai le Figaro qui donne des cartes intéressantes du théâtre de la guerre où est Jean. Lettre de Cécile qui est comme nous sous la neige, lettre toujours contrôlée.

20.2.10

Décembre 1944

1 Premier vendredi du mois, j’ai le regret de ne pas aller à la messe, je finis de régler avec mes métayers. Dédette et Yvonne prennent à Mars le train de 7 h du soir pour aller coucher à Moulins chez Simone. Yvonne en repartira demain matin, direction Boutavent.

2 Bringant vient me payer. Mon jardinier met dans un tonneau de 230 litres des prunes, des sorbes, des poires sauvages, des prunelles etc.. Il en tire 8 litres de goute à 52 degrés. Il m’en donne deux. Les du Verne nous quittent emmenant leur chienne Moutarde qui ne les quitte ni jour ni nuit, elle leur sert d’enfant. A la vente de Blond à l’Isle, M. Buchet a payé un veau 165 000 F.

3 Pluie. Dimanche. Roger de Bouillé est renommé syndic, j’en suis content. Le Patriote, journal communiste de Nevers fait l’éloge de Jean de Sansal fusillé par les Allemands le 10 août 1944.

4 Pluie. Lettre d’Hervé de Fontainebleau où il suit un cours d’artillerie. Lettre de Geneviève.

5 Pluie. Marthe Robert a mis au monde un seigneur de Sermoise, elle est assez fatiguée. La veuve Martinon est fiancée au veuf Canut.

6 Pluie. Antoine Clayeux vient avec un camion de Jaligny, chercher le veau de Callot et celui de Moreau. A la vente de Blond, celui-ci a poussé un reproducteur jusqu’à 104 000 F. Il a été adjugé 105 à Naudin, gendre Goby pour le mettre à Beauzeau où vient Bernigaud comme métayer.

7 Pluie. Garnet vient me payer son terme. Il avait été convenu entre nous que nous payerions par moitié la réparation de la couverture de la vieille locature j’en ai eu pour 2 200 F à ma part. Le jeune Garnet me loue la chasse 20 F l’hectare soit 1 400 F., c’est moins cher que le maçon qui prend 30 F l’heure. Dufour et Clostre viennent me régler comptant la coupe d’Azy sans papier. Antoine Clayeux vient d’être nommé louvetier. Il n’a qu’un fox pour attaquer la bête noire. François Jourdier venant de Montauban et son fils Maurice venant d’Angoulème doivent se rencontrer aujourd’hui aux Fougis. Yvonne nous revient de Boutavent où elle a passé 4 jours. Elle devait revenir par Moulins et coucher chez Simone, or elle n’est arrivée qu’à deux heures du matin au lieu de 9 heures du soir. Hervé écrit de Fontainebleau que ses hommes ont bon moral, mais que les officiers F.F.I. qui suivent les cours avec lui sont par trop communs. J’envoie un dindon à Mgr. Flynn.

8 Fête de la Ste Vierge suivie d’une neuvaine. Je regrette de ne pas aller à cette messe implorer notre mère du ciel. Fonteuil, métayer des Barrier-lure vient me demander les Petites Granges, il a un fils de 16 ans, un de 12 et un pitoux élevé par lui. Yvonne a rapporté un repas journalier envoyé à nos soldats par l’Amérique. Chaque objet est enveloppé dans de la cellophane. En dehors de la viande, il y a 4 morceaux de sucre, 4 caramels, 4 cigarettes. Mes petites filles s’amusent bien en défaisant ces paquets. Nos nouveaux édiles promettent monts et merveilles, de l’eau et l’électricité partout. Marcelle va à Buy où elle ne trouve pas Marie-Thérèse, celle-ci est au baptême de son petit fils André Henri comme ses deux grands pères.

9 Monique a 5 ans. On lui fait un gâteau entouré de 5 bougies.

10 Dimanche. A une vente aux enchères en Morvan, il s’est vendu 35 brebis, bonne santé, pleines, 600 F pièce.

11 Pluie torrentielle. Tissier, célibataire, 47 ans, fermier à La Condamine demande à visiter les Petites Granges, envoyé par Roger de Bouillé.

12 Lettre de Cécile, encore contrôlée, elle n’a toujours pas de domestique, mais sa maison est toujours pleine d’amis y compris Koutchy, venue de Paris debout dans le couloir. Marcelle va à Nevers voir Marthe Robert au moment où elle quitte la clinique pour retourner à Sermoise. Le jeune Henri qu’elle nourrit avec succès a le nez Chanier. Mimi de Courrèges a perdu un fils au front. Elle a dix enfants.

13 Lettre de Geneviève qui a Antoinette et François Jourdier pour 6 jours. Ce dernier est gai et en bon état. Il n’était pas venu en France depuis 7 ans. Maurice viendra plus tard. Longue lettre d’Edmond, qui a beaucoup de peine à faire couper ses bois, les bucherons demandent 150 F par corde et autant pour un cent de bourrées et il faut leur fournir du fil de fer pour les lier. Ste Luce, les jours grandissent du saut d’une puce le soir seulement.

14 -5 °. La très charmante Jeanne de Mollins vient passer 3 jours avec nous. Yvonne emmène Monique à Nevers pour la photographier, carte d’identité. Jacques de Lari est à Paris pour s’informer au ministère de la guerre quel sera son sort. Les officiers dans sa situation, s’ils veulent rester dans l’armée, doivent aller aux colonies.

15 -1 °. Nous tuons un cochon de 125 kilos. Le charcutier qui l’a opéré nous prend 200 F . Perdriat, Mollins et Marcelle vont gouter à la Chasseigne.

16 + 1 °. Mon rosaire. Jeanne de Mollins devait repartir par le car Balançon, celui-ci étant en panne, je la conduis à Mars au train de 4 h 1/2 .

17 Pluie. Dimanche. Je suis convenu avec Tissier qu’il afferme les Petites Granges au prix que j’en demande soit 37 quintaux de blé et 650 kilos de bœuf première qualité. Pierre Bassain est mort de froid dit-on. Le notaire Bouroin me demande s’il a une sépulture de famille. Je lui réponds qu’il en a une dans le cimetière de Parigny les Vaux, sa propriété de Sapinges étant dans cette commune.

18 Pluie. Madame Vuillemin, née Delmas de Grammont, mère de Mme de Sansal meurt à Saint Germain en Laye. Il y aura là un gros portefeuille à recueillir. Le chien de Callot entre dans la laiterie et dérobe un gros morceau de cochon et deux pieds. Marcelle goûte au manoir.

19 Yvonne allant à Nevers, elle emporte une oie grasse pour le grand séminaire, déjeune chez les Lary. Dédette nous apprend la mort de leur voisine Mathieu, elle aide à l’ensevelir et à la veiller. On doit bien cela à son mari, qui met souvent son auto à la disposition de tous.

20 Mon excellent voisin Gabriel Mathieu est mort. C’est un homme parfait qui disparait, intelligent, serviable pour tous, très dévoué au Crédit Lyonnais. Il en a été un des gros bonnets. Marcelle va lui donner de l’eau bénite.

21 A neuf heures, Melle de Maubec prend Marcelle pour l’amener à Nevers, il fait à peine clair. Les Thonnier nous disent que Maurice est sorti de prison. Deo gratias !

22 Pluie. Mort. Le Lt Colonel de Laveyssière qui commandait les FFI du Loir et Cher, tombé d’avion en Bretagne, on l’enterre aujourd’hui en Sologne, dans le pays de sa femme. Les deux cousins ont dû arriver ensemble au paradis car tous les deux étaient d’une grande dévotion. Laveyssière n’est pas mort en tombant d’avion, il a été tué dans son bureau, ainsi qu’un commandant, par un lieutenant de son régiment atteint de paludisme qui s’est du reste suicidé après avoir fait ses deux victimes.

23 – 6°. Moreau me mène à l’enterrement de ce pauvre Mathieu où il y avait beaucoup de monde. C’est macabre de voir les deux cousins portés en terre le même jour. Antoine Robert me dit sa femme assez souffrante, elle a dû sevrer, ayant un abcès au sein et de la fièvre. Les Boches relèvent la tête et il y en a encore beaucoup trop en France et en Belgique.

24 – 7°. Dimanche, on réunit quatorze enfants des prisonniers de la commune pour leur donner à gouter et des étrennes. Montrichard pontifie lentement et comme si tout venait de lui. Il n’avait seulement pas pu trouver deux litres de lait dans ses fermes pour faire le chocolat. Mesdames Barrière et Moreau ont envoyé d’excellents gâteaux. Cette forte gelée est mauvaise pour les récoltes après la grosse pluie tombée le 22.

25 Noël. Beaucoup de communions à la messe de minuit. Je m’approche de la Sainte table à celle de neuf heures. Longue lettre de Cécile qui passe son Noël à Vitré chez sa bonne amie Lolotte d’Heliaud. Elle me parle en détail de la situation financière des Riberolles qui est inquiétante. Le train de maison de Bulhon ne peut pas continuer sur ce pied là, mais il est m’est difficile de le dire à Augustin. Quant à ses filles, elles n’ont jamais su compter. Ma pauvre Edith non plus. Cécile a toujours été pour eux d’une grande générosité, je me plais à lui en rendre témoignage. Le jeune Massias, blessé au front, a été transporté à l’hôpital militaire de Nevers. Barbin avoué, Mauban ingénieur industriel, Dezautière assureur, en craignant de tout voir étatiser, tremblent.

26 – 7°. Tissier vient me voir pour la rédaction de son bail. On monte le poêle dans le vestibule et nous déjeunons près de lui. Je souhaite la bonne année à la marquise de Chargères. Marcelle fait une visite de condoléance au manoir. J’appelle Richard pour la jument baie des Petites Granges.

27 – 7°. Elle a un clou de rue. Yvonne va à Nevers où elle achète une voiture de poupée de 735 francs. Elle apprend la mort de sa tante de Place. Marcelle offre à goûter avec un arbre de Noël aux enfants de la terre de Tâches. Paris a été sévèrement bombardé la nuit dernière. On dit qu’il y a encore quatre vingt dix mille boches en France, c’était bien la peine de fêter la libération et de pavoiser.

28 – 7°. Simone et Antoine de Sansal devaient venir manger une dinde avec nous, le car est en panne, obligés de rester, tout le monde désolé.

29 – 5°. Ils viennent aujourd’hui à bicyclette finir la dinde. Antoine apporte ses patins et s’en sert sur mon grenouillat. Marcelle se lève de bonne heure selon son habitude, fait son ménage, quand à dix heures elle est prise d’une assez vive douleur à la jambe. Elle se couche sans déjeuner et a une grosse fièvre. Bonnichon appelé dit que c’est le troisième erysipèle qui fait son apparition et qu’il sera moins long que les précédents. Suzanne de Rouville me souhaite la bonne année et me remercie des dernières cigarettes. Bernard proposé pour la Légion d’Honneur. Jacques toujours en prévention dans l’Hérault avec un père jésuite comme compagnon de chaine. Marie Louise du Part me souhaite aussi la bonne année. Une vache de Tâches crève d’une péritonite, elle a avalé un clou.

30 – 5°. J’ai aujourd’hui quatre vingt dix ans et grâce à Dieu, je les porte assez bien. Je reçois des coups de téléphone pour fêter mon anniversaire, des Gouttes, de Fertot. La jambe de Marcelle est très rouge, encore de la fièvre.

31 – 2°. Dimanche. Je pars pour la messe mais arrivé sur la route, mon âne glisse et je suis obligé de revenir. Marcelle va mieux, bien que sa jambe soit encore bien rouge. Couturier achète un cochon de 8 125 francs au domaine et le fait débiter sur place.

Novembre 1944

1 + 2°. Pluie. Je m’approche de la Sainte Table. Kiki fait la quête à la petite messe ce qui l’amuse beaucoup. Nous attendions Hervé et Yvonne pour déjeuner, mais ils n’arrivent qu’à 3 h du soir, la jeep américaine ayant eu une panne en passant à Vichy. Ils ont avec eux un monsieur Canu, un ami qu’Hervé amène à Paris. Ils ont laissé Simone bien portante mais condamnée à rester un mois au lit. Hervé n’ayant pas touché sa solde depuis quelque temps, je lui donne quatre mille francs. Il ne demande rien à son père.

2 Pluie. Jour des morts. Malgré une pluie torrentielle, beaucoup de monde à la messe et au cimetière qui ressemble à un marécage. Ce temps me fait broyer du noir très noir.

3 + 2°. Premier vendredi du mois, je m’approche de la Sainte Table. St Hubert, assez triste j’écris à mon arrière petit fils pour lui souhaiter sa fête.

4 Je vais aux Queudres avec Marcelle et Yvonne.

5 – 0°. Dimanche. Geneviève et Antoine Clayeux viennent nous surprendre. Nous ne les avions pas vus depuis un an.

6 Pluie. Antoine va à Nevers et revient par le Chamouton. Le comité de libération de St Pierre dissout le conseil municipal de St Parize et Gilbert remplace Montrichard comme Maire. Antoine m’achète un veau de Callot et un à Moreau pour 18 000, son plus petit. Il lui en fait un de ses plus gros cent mille. Il nous quitte après déjeuner et nous laisse sa mère 4 jours.

7 Pluie glaciale. L’herbe disparaît et les animaux couchent dans l’eau le ventre vide. C’est désolant, je me morfonds.

8 Neige. Moreau emmène Geneviève, Cécile, Kiki et Monique déjeuner au Colombier. Marcelle et Yvonne les y rejoignent à bicyclette dans l’après midi. Une des granges dont la toiture avait été refaite il y a peu d’années, s’est effondrée. Coût cent mille francs et fourrages endommagés

9 …

10 Neige. C’est le mois des surprises. A 11 h une auto conduite par Monsieur Mathieu de Bulhon s’en allant à Paris, nous amène Miette qui est très en forme. Geneviève et Cécile prennent le train de 9 h 15 à Mars pour aller retrouver les Edmond à Moulins et déjeuner avec eux à l’hôtel de Paris. Geneviève rentre aux Fougis.

11 St. Martin. Service à l’église, commémoration de l’armistice. Au cimetière, Montrichard fait encore l’appel des morts. Mes enfants me souhaitent ma fête et Miette fait un bon gâteau en cet honneur.

12 St René. Dimanche. Personne à la messe, dite avec catafalque, Dies Irae, absoute pour réparation des capitaux qui devaient servir pour dire des messes et qui ont été volés par l’Etat. Koutchi déjeune avec nous.

13 Pluie torrentielle. L’eau sort de la basse cour comme d’une écluse. Les Château viennent me payer leur terme sur le pied de 256 F le kilo. Gilbert devient notre maire, Jouannet adjoint et Drut garde champêtre. Ce trio est grotesque et dangereux.

14 Pluie aussi torrentielle qu’hier. Malgré cela Melle de Maubec vient chercher Cécile avec sa charrette pour la conduire prendre le train à Nevers. Elles déjeunent ensembles à 11h ½ . Yvonne les accompagne. Temps épouvantable et froid. Malgré cela, Cécile arrive assez tôt pour avoir une place debout direction de Paris. A 4 h ½ Maubec revient, un peu gelée. Nous lui offrons un verre de vin chaud. Montrichard espérant encore trouver Cécile ici, nous arrive. Il voulait lui recommander son beau frère de Guébriant transféré à la prison de Rennes.

15 Longue lettre de Roger qui me dit que deux jeunes Darré se sont engagés, qu’un troisième entre à l’abbaye de Solesme. Candolle a son château envahi par 200 apprentis soldats. La Duchesse de Duras emprunte l’âne d’un voisin quand elle veut sortir de son château de Chatelux. Marcelle, Miette et Monique font des visites au Manoir, à Fontallier et à Buy. Je donne à Dufour l’autorisation de visiter la coupe que je veux vendre à Azy. Faguet vient avec sa voiture à âne chercher du bois de chauffage que je donne à la mère Richard.

16 Marcelle et Miette vont à Nevers et reviennent part Port Gadouille, c’est ainsi qu’on appelle la gare qui est au bout du viaduc. Cécile a eu une place assise pour aller à Paris. Elle y restera pendant 4 jours pour attendre son billet pour Rennes.

17 Jean écrit à sa femme que son cousin Bruno de Valence comme lui capitaine d’artillerie et dans son voisinage a été tué en passant sur une mine avec son auto. En 1940, son père était mort au front. M. Mathieu et sa fille venant de Paris en auto, s’arrêtent ici pour déjeuner, ils repartent pour Bulhon en emmenant Miette, Yvonne, Kiki et Monique qui ne se sentent pas de joie.

18 Je fais faire à Marcelle les comptes de St Martin des Petites Granges. Le journal du Centre annonce que ce domaine cherche un fermier pour 1945 de même que le Pied Prot. Beau temps.

19 Dimanche. Je règle avec Roy en cinq minutes. D’avance, je donne à mes métayers, le compte écrit de toute l’année. Si nous sommes d’accord, ils me les rapportent et je les paye. Notre compatriote le général Marion que le regretté Maréchal avait nommé préfet de Savoie, a été emprisonné par les communistes. Une bande de 20 jeunes armés sont entrés dans la prison et malgré les gardiens l’ont emmené et fusillé séance tenante. Richard du moulin vient me demander à louer les Petites Granges. Il a donc bien gagné d’argent en faisant le métier de roulier dans sa petite ferme. Gy à Morizot vient d’être affermé 108 hectares, 1200 kilos de bœuf 1re qualité et 73 quintaux de blé.

20 Tempête.

21 Beau temps. Visite de deux agents de la Sté Gle qui font souscrire à l’emprunt. Marcelle en prend.

22 Pluie. Ste Cécile. Ma fille a fait un bon retour à Rennes, mais elle a mis 5 jours pour regagner son domicile où elle a trouvé son personnel à son poste. Elle est rentrée dans son wagon par la fenêtre grâce à l’aide d’un Saint-Cyrien et d’un F.F.I. tellement le couloir était plein. Les Rouville l’ont reçue bien aimablement à Paris. Elle a déjeuné chez les Louis de La Brosse. Jacques a été emprisonné pendant 3 semaines puis relâché. A qui le tour. Le Mollier gendre d’Eustache, est condamné à 5 ans de réclusion pour avoir assassiné son père qui devait passer en correctionnelle pour attentat aux mœurs. Marcelle va à Limoux goûter, retour par la Chasseigne. Les Raclettes, 90 hectares, sont affermées. Les prés de bonne qualité, 20 kg de bœuf de première qualité par hectares. Les terres médiocres 60 kg de blé à l’hectare. Boucaumont régisseur. Limoux vient d’être reloué à Thomas 2/3 en prés, 1/3 en terre 23 kg de bœuf à l’hectare.

23 Tempête pluie. Lettre de Gabrielle de Rouville qui dit que Jacques est toujours surveillé pour avoir donné son adhésion pour assister à des réunions politiques où il n’est jamais allé. On gèle à Paris et pour venir chercher du bois dans la Nièvre, un camion leur demande 36 F du kilomètre. Il coûterait donc plus de trente mille francs. Dufour est allé visiter ma coupe d’Azy, 8 hectares. Il m’en offre 67 000 F, j’en veux plus cher que cela. Il n’estime les cordes de charbon que cent francs. Ce n’est pas suffisant. Clostre qui les prendrait insiste pour les avoir. Dufour ne garderait que la futaie. J’attendrai pour traiter que le calme revienne si c’est possible.

24 Pluie. Je visite le cheptel de Callot qui n’est pas brillant, le manque d’herbe se fait sentir. A 4 ½ je descends à la gare avec mon âne. J’en ramène, retour de Bulhon, Yvonne et ses filles accompagnée de Dédette qui vient nous faire une petite visite. Simone rentre à Moulins. J’achète un très bon veau à Roussy Le Sueur.

25 Pluie. Ste Catherine. Dédette la coiffe ainsi que Paule de Villaine. Marcelle et Dédette vont à Nevers, elles y apprennent qu’on a retrouvé le corps de Jean de Sansal dans les bois de Beaumont. On l’enterrera dans un cimetière militaire à Prémery le 28.

26 Dimanche. Je donne du bois à couper dans les Queudres, angle Nord Est sur la route à 18 hommes de Moiry. Ils me payent 15 F chacun = 270.

27 Neige. Yvonne crève sa bicyclette à Moiry, elle veut la faire réparer chez Asselineau, qui lui dit d’aller trouver les gardes du S.H.C. pour faire la réparation, se souvenant qu’ils avaient fait un procès à son père pour avoir tendu des collets. Il aspire au moment où il pourra m’en mettre un au cou.

28 Pluie. Dufour et Clostre viennent m’acheter une coupe à Azy. 8 ha avec sortie difficile et un hectare inférieur pour 85 000 F. Je ne sais pas si j’aurai pu faire mieux par les temps troublés que nous vivons et avec les exigences actuelles des bucherons syndiqués et communistes. Lettre de Cécile. Ses deux bonnes la quittent pour aller se placer à Paris gagner 24 000 F.

29 Les Guillaume du Verne nous arrivent pour 48 h avec leur cheval qui est jeune mais pas rapide. Il a mis 3 heures pour faire la route. Guillaume que je n’avais pas vu depuis son accident commence à marcher. Il est encore maire de St Eloi.

30 Yvonne et Dédette déjeunent à Buy et nous gibernons avec les du Verne jusqu’à 11 h du soir.

Octobre 1944

1 Pluie. Samedi. Les Villeneuve vont prendre à Mars le train de 9 h. J’ai très peur que Gaby ne s’entende pas avec sa belle mère et son oncle Edmond sur le terrain politique car il blâme le maréchal Pétain pour lequel ils ont une grande vénération. Monsieur le curé annonce en chaire, que la messe est dite pour le Comte Alain de Guébriant fusillé avec 20 autres otages à St Pol de Léon. Marie Antoinette du Verne nous arrive après midi à bicyclette pour dîner et coucher. Elle nous parle beaucoup de son neveu le capitaine Louis de Champeaux venu en permission de Montbéliard où son Régiment tient garnison. Il a été décoré et a plusieurs belles citations.

2 J’envoie à Savignat 25 000 F pour payer les droits réclamés par le fisc pour les bois de St Ouen succession d’Edith. Signe des temps, dernièrement Anginieur a couché chez Marie Antoinette dans un lit avec un oreiller mais sans drap. Marcelle va à Chevenon où elle apprend que dans la nuit du 27 septembre, des individus sont venus chez Bardin lui ont fait verser 35 000 F et l’ont emmené on ne sait où.

3 Gelée. Yvonne reçoit une lettre de Jean du 21 septembre de Bourg Saint Maurice. C’est la première depuis leur séparation. Il s’attend à venir dans la vallée de la Saône. On dit que Laurent de Soultrait forme un régiment à Decize. Barthelniot à l’Atelier a lui aussi été rançonné. J’attends mon tour. Naudin, le sénateur est vivement attaqué par la Résistance qui lui reproche entre autres choses d’avoir été présenté au Maréchal avec dix maires de la Nièvre dont d’Anchald et Roger. J’allume du feu bien plus tard qu’à l’ordinaire.

4 Simone et ses enfants sont depuis 5 jours à Bulhon. Yvonne déjeune à Planchevienne.

5 Marcelle emmène Kiki et Monique à Nevers par l’autobus. Prix : 36 F par tête.

6 + 2 °. Premier vendredi du mois. A mon grand regret, je manque la messe parce que je suis enrhumé et qu’il fait froid. J’envoie 25 000 F au compte de Marcelle au Crédit Agricole, pour garder moins d’argent ici, en redoutant la visite du maquis rouge. Monsieur Dormeuil ingénieur à Imphy et sa femme ont été trouvés assassinés. Galembert à Poil a trouvé son fils tué dans les bois en Août par le maquis rouge. Il l’a reconnu à son vêtement. Visite d’Alain qui nous dit qu’ils rentrent tous à Paris lundi. Yvonne fait une visite de condoléances à la Chasseigne.

7 Lettre de Berthe, le départ des Boches quand ils ont quitté Dornes a été terrible. Ils ont tué le basse-courier du château. Ils ont été remplacés par une bande de maquis, venus de Montluçon qui ont été odieux. M. du Sordet cousin germain des Chavane a été fusillé, son château brûlé, sa famille en fuite on ne sait où. Zizi Delamalle, sa fille la veuve Ducray, Madeleine de Thé et l’aînée de ses filles viennent déjeuner avec nous. Les filles de Maurice viennent de Buy pour gouter. Elles nous disent que leur père est en prison avec M. M. de Rocquigny, Defaye, Chambron, Burin des Roziers, M. Mme Melle Golliaud de Champroux. Dernièrement Lisbeth et ses filles étaient allées aux Salles constater les dégâts, quand le maire communiste qui a remplacé M. de Durat est venu les mettre à la porte. Tout a été pillé, les fauteuils brisés, le linge coupé en morceaux, le coffre-fort éventré etc.

8 Dimanche. Je ne vais pas à la messe parce que je suis enrhumé. Les Rouville partant demain pour Paris, je leur confie une lettre pour Louis de La Brosse, Yvonne une pour sa mère, car les communistes qui sont au pouvoir entravent le courrier pour qu’on ne sache pas dans une zone les atrocités qui se commettent dans l’autre. Pèlerinage Jeanne d’Arc à Saint Pierre.

9 Pluie. Si il y a 20 ans on avait dit aux du Part qu’ils assisteraient , ils auraient été bien étonnés, cependant cela est arrivé ce matin et de plus c’est Marie Louise qui tenait l’harmonium. Ca ne leur a pas coupé l’appétit car ils ont bien fait honneur à notre déjeuner. J’écris à Augustin et à Edmond en leur envoyant une photo de ma 90 éme année. J’en distribue une douzaine à des parents et à des amis qui m’ont fait l’honneur de m’en demander. Lettre de Jean du 4 datée de Boutavent où il a pu venir passer 24 h, mais à son grand regret il n’a pas trouvé d’essence pour faire un crochet jusqu’ici.

10 Pluie 35 mm. Il est tombé des torrents d’eau et les mares se sont remplies pendant la nuit. Je pense à ma pauvre maison de Nevers dont le toit est encore éventré, les plafonds vont être perdus. L’autobus marche trois fois par semaine. Les Lary, père mère et enfants en profitent pour venir passer la journée, à la grande joie de mes arrière petites filles. Ils nous laissent Chantal pour 4 jours.

11 Pluie. Marcelle place 7 000 F à la Séquanaise. Elle va gouter au manoir en revenant de St Pierre et Buy. Pluie torrentielle. Par Suzanne de Rouville, nous avons une carte postale de Cécile datée du 4 octobre. Elle va bien, sa maison n’a pas de mal et ayant été débarquée du secours national, elle se repose et va voir ses amis. Loysal mari de Mimi de La Chapelle a été tué, elle attend un enfant. Je loue la maison du Pied Prot à Pagneux, gendre Reviriot pour un an à partir du 11 novembre pour mille francs. Les sœurs Mabire Delamalle passent la journée avec nous. Le ménage Gallo et Daniel d’Hautegarde sont incarcérés.

12 La Marquise de Champeaux est enterrée ce jour à Lurcy. C’est une vieille amie que je perds. J’écris à sa sœur d’Orcet. Les Du Craye Delamalle nous font part de la naissance de leur fils Emmanuel.

13 Vendredi. Journée sans histoire, triste comme les autres.

14 Melle de Maubec emmène Marcelle à Nevers avec sa ponette qui trotte bien. Mme de Sansal écrit de Paris qu’Hervé est venu coucher 3 fois chez elle de Bois Colombe où il était encore le 10. Augustin prévient Yvonne qu’un capitaine a pris son auto en laissant un bon de réquisition en règle. Un sanglier a été hier devant les chiens de Couturier près de Callot.

15 Dimanche. Un cirque donne une représentation sur le champ de foire et bien que les places soient à 25 F la salle est comble. Présence de M. le curé. Lettre de Cécile du 11.

16 Pluie. Mon rosaire. Pour oublier la pluie qui fait rage, je lis Eugénie Grandet que m’a très aimablement prêté le Colonel Cailles.

17 Marcelle et Yvonne déjeunent à Chevenon, où Antoine a repris son fusil. Il devrait se rappeler qu’il n’y a pas très longtemps, des maquisards l’ont désarmé. Lettre d’Hervé de Colombes où il est très occupé à former sa compagnie. Lettre de Roger du 13. Il a fait 40 hectolitres de vin avec 39 vendangeurs pendant deux jours.

18 Pluie. Marcelle a ce jour à son compte au Crédit Agricole 453 m . Lettre de M. de Valence disant que Jean a eu deux belles citations dont une en Italie. Lettres de Cécile et des Rouville venues assez vite. Marcelle me mène à Nevers où je n’étais pas venu depuis le 18 avril. J’en reviens le cœur navré après avoir vu les décombres de la cathédrale et des maisons qui l’entourent. Croisé un détachement de prisonniers Allemands allant déblayer les rues. Je constate qu’ils ont plus l’allure militaire que les F.F.I. qui encombrent les trottoirs. Vu le C+ Diart vieux et maigre. Il pleut sur son lit. Je lui ai amené des pommes de terre et une citrouille de même à Ballent. Yvonne et Kiki goûtent à Fontallier. Henri Gindre est sorti de prison, mais le colonel Pierre de Lafont y est entré. Grande lettre des deux ménages Rouville. Suzanne m’envoie une beaucoup trop forte somme pour m’indemniser de mes paquets de cigarettes. Je lui offrirai une oie grasse quand le moment sera venu.

19 Lettre assez fraîche de Cécile qui cherche le moyen de venir nous voir. Lettre de Louis qui a eu la joie de voir Hubert en bon état et qui porte sur sa veste américaine le ruban rouge gagné en Italie. A Rome, il a eu une audience avec le Pape. Odette est à Marseille attachée à la 5 éme division Blindée. Il espère la voir bientôt. Bernard a quatre galons et est attaché à un général.

20 Pluie. Lettre de Dédette qui a refusé un autre parti. Lettre de Cécile qui se demande comment elle pourra venir nous voir.

21 Pluie. Je finis de lire Eugénie Grandet de Balzac. Pluie interminable, cela tourne au désastre.

22 Dimanche. Déjeuner au presbytère des membres du conseil paroissial pour parler après boire de la question de vie ou de mort de l’école libre, car on prévoit que l’année prochaine les communistes n’accorderont plus les subsides que donnaient Pétain. Il faut trouver 10 000 F. Au retour on m’apprend que ma meilleure jument de Tâches a une jambe cassée à la suite d’un coup de pied, 80 000 F perdus. Que je regrette les bœufs qui étaient moins fragiles et qui faisaient du fumier.

23 Pluie. Si je me suis couché hier plein d’idées noires après toutes les réflexions entendues à St Parize sur l’avenir de la France, en revanche le réveil a été plus gai. A 8 heures une auto s’arrête sous mes fenêtres et j’entends Marcelle crier c’est Jean. C’était bien lui. Parti de Lure après son dîner, il a voyagé toute la nuit trouvant des routes défoncées des ponts coupés, la Saône en crue. Il est frais comme l’œil. Sa voiture, sa chemise ses souliers, tout est américain. Son ordonnance est habillé comme lui, seuls ses galons de capitaine font une différence. Il nous intéresse beaucoup d’abord en nous racontant sa campagne de Tunisie et ensuite celle d’Italie où ils ont perdu beaucoup de monde. A Rome il a eu une audience du pape au milieu d’un groupe d’officiers Français. Le St Père lui a fait très bonne impression. La ville éternelle a peu de mal, mais le reste de l’Italie n’est qu’une ruine, mais il a vu là bas de très beaux blés. Son frère Pierre est Maréchal des logis chef dans son Régiment. Le plus jeune est caporal en Savoie. Jean ne redoute pas du tout les Russes, il les admire plutôt. Depuis deux ans très rares sont les nuits où il a dormi dans un lit y compris celles passées pendant 8 jours chez Simone Jourdier à Temara à son retour de Tunisie. Gaby de Montrichard vu hier, venant de Lille en moto. Dans le Nord il y a beaucoup de chômage et peu de nourriture. . En Bretagne Pierre a vu brûler le château de la Préverlay appartenant à son beau père M. de Saré et mourir celui-ci peut-être de chagrin. Visite des Montrichard père et fils. Ils sont contents de parler avec Jean.

24 Pluie. Jean me fait lire les deux belles citations qu’il a eues une en Tunisie, une autre en Italie, toutes les deux avec attribution de la croix de guerre avec étoile de vermeil. Je suis bien ennuyé, mon jardinier qui était allé passer quatre jours chez sa mère n’a pas pu revenir hier soir il a mal à une jambe. Si cela dure longtemps, nous serons bien embarrassés car il est la cheville ouvrière de la maison, il tire les vaches, scie le bois pour le fourneau et le rentre. Les pommes de terre et les betteraves ne sont pas finies d’arracher etc. Carte d’Hervé de Colombes, ses hommes sont gais bien que mal logés, mal nourris, mal vêtus. Lettre de Cécile qui voudrait bien venir nous voir, mais ce n’est pas facile. Jean nous laisse 17 litres d’essence américaine. Lettre d’Augustin, à qui le contrôleur réclame des droits énormes pour la succession d’Edith. La maison de Nevers qui avait été évaluée 250 000 F, il la porte à 600 000. Le Mou de 576 000 passerait à 1 200 000. Si l’augmentation est la même pour les domaines d’Azy, la tuile sera lourde à supporter. Simone a une menace de fausse couche.

25 Pluie. Jean part à 3 h du matin pour regagner Lure. Marcelle et Yvonne déjeunent au Manoir avec Marie Grincour.

26 Leclerc mon marchand de bois est mis en prison comme collaborateur. Foire à St Pierre et concours de chevaux.

27 Pluie. Suzanne Le Sueur déjeune avec nous. Son fils va partir en Angleterre comme parachutiste.

28 Pluie. Yvonne aidée de Désiré Balleret ôte les meubles de la mansarde du milieu que je loue à l’année pour mille francs payables tous les trois mois, au ménage Legrand parents de Madame Chleq.

29 Dimanche peu de monde à la messe.

30 Pluie. A 5 h du matin, Hervé frappe à notre porte, il va à Bulhon en auto voir sa femme malade, il repart à 5 h ½ emmenant Yvonne qui devait y aller par le train de 9 h. C’est le jour des surprises, à midi Cécile nous arrive, elle a pu prendre samedi matin à Rennes une Micheline qui l’a amenée à Paris, où elle a dîné et couché chez les Henri de Rouville et grâce à une carte de la croix rouge, elle s’est embarquée à Paris dans un train omnibus qui en onze heures l’a amenée à Nevers où elle a couché chez Marie Antoinette et ce matin Condamine après avoir conduit son lait à son dépôt a pu la transporter jusqu’ici, c’est un voyage providentiel comme rapidité. Madame Thiery me coupe les cheveux ainsi qu’à Monique.
31 Lettre de Geneviève Clayeux, désolée de ne rien avoir de François et de Maurice qui doivent être en France. Je m’abonne au Figaro pour 3 mois.